Drôle d’anniversaire

Publié le 11 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Il y a vingt-cinq ans, le 6 novembre 1982, Paul Biya devenait le président de la République du Cameroun à la place de Ahmadou Ahidjo, démissionnaire pour raison de santé. L’anniversaire a été fêté sans faste particulier. Certes, comme chaque année à la même date, l’administration a tourné au ralenti. Une grande partie des fonctionnaires étant membres du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti au pouvoir, ils ont rejoint leur département d’origine pour y commémorer l’avènement du « renouveau ». Même à Paris, la « diaspora » s’est contentée d’un discret dîner-débat organisé par un mystérieux Cercle africain de réflexion pour la promotion de la paix et le développement (Carped).
En réalité, ni le RDPC ni le gouvernement n’avaient le cur à sabrer le champagne. À la suite d’insistantes rumeurs de coup d’État qui ont tenu les services de sécurité en haleine, au mois d’octobre, le niveau d’alerte a en effet dû être relevé. L’affaire aurait pu passer pour une mauvaise plaisanterie si trois ressortissants français n’avaient été interpellés après la saisie d’une cargaison d’équipements militaires dans le port de Douala. C’est le carnet d’adresses de l’une des personnes appréhendées qui a déclenché une enquête de grande ampleur visant à démanteler le « complot ».
Début octobre, à son retour de New York, où il avait assisté à la 34e Assemblée générale des Nations unies, le chef de l’État, constatant l’absence de preuves de nature à étayer la thèse du coup de force, n’avait pas caché son scepticisme et ordonné la remise en liberté des trois Français. Leur incarcération tombait d’autant plus mal que Paul Biya était attendu en visite officielle en France le 27 octobre.
Les Français libérés, Rémy Ze Meka, le ministre délégué à la Défense, chargé de l’enquête, a ordonné de nouvelles arrestations. Huit officiers, dont un chef d’antenne du renseignement militaire, un commandant d’une unité d’élite et dix sous-officiers dont un de la garde présidentielle, ont été mis aux arrêts. Pour avoir séjourné il y a quelques semaines au Burkina, Luc Gnowa, le secrétaire général de l’Alliance biblique du Cameroun, une maison d’édition doublée d’une société de diffusion de la bible, a été placé en garde à vue quelques jours plus tard. Il serait, à ce jour, toujours détenu.
Selon Guibaï Gatama, directeur de publication d’un hebdomadaire régional, L’il du Sahel, « les militaires arrêtés présentent tous la particularité d’être affectés à proximité de la frontière tchadienne, dans l’extrême nord du pays ». Un examen plus attentif montre que plusieurs suspects, dont Gnowa, sont d’origine toupourie, l’ethnie du fameux Guerandi Mbara (53 ans), seul survivant du groupe d’officiers qui, le 6 avril 1984, tenta de renverser Paul Biya par les armes. Condamné à mort par contumace au Cameroun, il vit en exil au Burkina depuis plus de vingt ans. Cette hospitalité offerte par Blaise Compaoré, son ami et camarade de la promotion « 20-Mai » de l’École militaire interarmes (Emia), à Yaoundé, a longtemps compliqué les relations entre les deux pays.
Pourtant, l’ancien « putschiste » jure s’être acheté une conduite. Il a obtenu un doctorat en sciences politiques à l’université René-Descartes (Paris-V) et dirige aujourd’hui un cabinet de conseil en développement et stratégie, tout en enseignant à l’Institut diplomatique et de relations internationales (Idri), à Ouagadougou. « Ils se livrent une guerre de succession et ont décidé de faire de moi un bouc émissaire ; mais je n’y suis pour rien », nous a-t-il confié, par téléphone. Nul doute qu’il ne convaincra pas ceux qui, dans les cercles du pouvoir à Yaoundé, estiment que l’ancien militaire n’a jamais renoncé à déstabiliser le régime.

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