Cicatrices de l’Histoire

Publié le 11 novembre 2007 Lecture : 2 minutes.

« L’Espagne doit comprendre que l’ère du colonialisme est révolue, irrévocablement », a dit le Premier ministre du Maroc, Abbas El Fassi, pour stigmatiser la visite rendue les 5 et 6 novembre par le roi d’Espagne Juan Carlos à Ceuta (Sebta) et Melilla.
Ces enclaves en territoire marocain – deux villes portuaires de moins de 100 000 habitants chacune – ont été occupées par l’Espagne il y a plus de quatre siècles : bien avant le début de l’ère coloniale.
Depuis son indépendance en 1956, il y a donc plus d’un demi-siècle, le Maroc s’est donné pour objectif de les récupérer, mais entend le faire pacifiquement.
L’Espagne, elle, n’envisage pas de les restituer au Maroc et, périodiquement, un chef du gouvernement se fait un devoir de s’y rendre pour que nul ne doute de l’hispanité de ces « présides ».
José Luis Zapatero, au pouvoir depuis le 14 mars 2004, a fait lui-même le déplacement dès le mois de février 2006 ; il vient de demander au roi de l’imiter, sachant à l’avance que le Maroc considérerait la visite comme une « insupportable provocation ».

L’ironie de l’Histoire, c’est que cette Espagne, qui donne l’impression de ne pas comprendre la colère et l’indignation que son attitude et ses initiatives suscitent chez les Marocains, ou d’y être insensible, subit de la part du Royaume-Uni le même outrage. Et y réagit à la marocaine !
Jugez-en : le Royaume-Uni occupe depuis presque aussi longtemps, et « à perpétuité » dit le traité d’Utrecht qui sanctionne cette occupation, le « rocher » espagnol de Gibraltar.
La carte ci-dessus montre que ce n’est pas très loin de Ceuta et Melilla
En août 2004, succédant à la princesse Ann, le ministre britannique de la Défense, Geoffrey Hoon, se rendit à Gibraltar pour y célébrer le tricentenaire de l’occupation du rocher par le Royaume-Uni.
La visite déclencha la colère des autorités espagnoles : elles employèrent alors exactement les mêmes termes que ceux utilisés par les Marocains il y a quelques jours. Miguel Angel Moratinos, ministre des Affaires étrangères, dit que c’était « déplorable », que la visite était « inamicale », « inopportune » et « provocante » ; il fustigea « le manque de sensibilité des Britanniques pour l’opinion publique espagnole »
Les Britanniques rétorquèrent que les Espagnols avaient tort de se montrer « émotifs, et même infantiles ».
On croit revivre l’échange récent d’amabilités entre le Maroc et l’Espagne.

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L’ère coloniale est révolue, sans doute. Mais la colonisation – ou ce qui l’a précédée et annoncée – laisse des traces durables et peut-être indélébiles :
Gibraltar, Ceuta et Melilla (plus les îles Chafarines, non loin de Melilla) font l’actualité et la feront à nouveau.
Mais il y a eu les cinq comptoirs français en Inde (les enfants de l’ancien empire français apprenaient leurs noms par cur) ; il y a eu Hong Kong et Macao.
Il y a encore les îles africaines : l’archipel des Canaries, Madère, La Réunion, Mayotte, Diego Garcia.
Il y a les Malouines, occupées par le Royaume-Uni, que l’Argentine a tenté de récupérer par la force, le 2 avril 1982, déclenchant une vraie guerre.
Disons que ce sont là des cicatrices de l’Histoire Ou des faits accomplis.

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