Ouragan médiatique

Publié le 11 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Dieu se moque du monde. Déchaîner les éléments sur le sud des États-Unis en pleine période estivale était vraiment du dernier mauvais goût. Tandis que, frappés par la fureur du ciel, la Louisiane, l’Alabama et le Mississippi disparaissaient lentement sous les flots bourbeux, les principaux responsables de l’administration prenaient un repos bien mérité. Certains (Bush, Rove, Cheney) jouaient les farmers dans leurs ranchs du Texas ou du Wyoming. D’autres, comme Condi Rice, toujours très chic, couraient les magasins de la 5e Avenue et les théâtres de Broadway, à New York. Quant à Nicolle Devenish, la directrice de la communication du président, elle se mariait en Grèce, entraînant dans son sillage nuptial une escouade de sous-secrétaires et d’advisors.
Les premières images du Déluge ne troublèrent apparemment personne. Pas au point, en tout cas, d’inciter quiconque à rentrer d’urgence à Washington. Des légions de cadavres au fil de l’eau ? Des hordes de sans-abri hagards ? On verra plus tard. Quarante-huit heures durant, la Maison Blanche ressembla à un grand vaisseau vide. Et si George W. Bush consentit finalement à quitter son cher Texas, ce fut pour se rendre en Californie et parler de l’Irak. Naturellement. Inquiets de la lenteur et de l’inefficacité des secours – et, surtout, du début de révolte de leurs administrés -, les élus républicains, sur le terrain, furent les premiers à sonner l’alarme. À un an des élections de la mi-mandat, l’affaire prenait décidément très mauvaise tournure… Les médias nationaux ayant pris le relais, les hommes du président se réveillèrent brutalement : il fallait à tout prix empêcher ce tsunami politique de plomber irrémédiablement le second mandat bushien. Comme toujours dans les situations délicates, c’est Karl Rove, le Machiavel texan, l’âme damnée du chef de la Maison Blanche, qui, flanqué de Dan Bartlett, son « dircom » préféré, entreprit de sauver les meubles.
Le vendredi 2 septembre, George W. a donc débarqué à l’aéroport de La Nouvelle-Orléans. En manches de chemise, sourire de garnement pris en faute aux lèvres, on l’a vu échanger quelques blagues avec les membres du comité d’accueil. Personne n’a ri. Après avoir survolé en hélicoptère les zones dévastées, le président a froncé les sourcils : non, vraiment, les déficiences des opérations de secours étaient « inacceptables ». Tout le monde s’est retenu de rire. George est un animateur télé très doué, mais il faut parfois le recadrer. Dès le lundi suivant, le président a été renvoyé au charbon. Changement de ton. Mine grave, solennelle façon 11 Septembre, il a multiplié les contacts avec les populations sinistrées – et triées sur le volet -, tandis que, dans la coulisse, Rove et Bartlett veillaient à l’ordonnancement du spectacle… Une théorie de ténors de son administration lui a emboîté le pas, de Rumsfeld à Rice, en passant par le général Myers. Comme par hasard, ils ont débarqué dans le delta du Mississippi en même temps que les premiers secours…
Parallèlement, les responsables républicains invités à s’exprimer sur les chaînes de télé ont été soigneusement briefés : surtout, pas de polémiques ! Seul Michael Chertoff, le secrétaire à la Sécurité intérieure, dont dépend l’Agence fédérale chargée du management des situations d’urgence, a été autorisé à répondre aux critiques sur l’incurie de l’administration. Les autres devaient absolument se borner à répondre à une seule et unique question : que faire, maintenant ? Et à mettre en cause la responsabilité des élus locaux. Dans la grande tradition rovienne.
C’est gros, énorme même ? Bien sûr, mais, dans un cataclysme politico-climatique d’une telle ampleur, on a rarement le choix des moyens.

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