Jean-Claude Gandur

PDG du groupe pétrolier Addax et Oryx

Publié le 11 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Citoyen suisse, Jean-Claude Gandur est PDG et fondateur du groupe Addax et Oryx. Sous son impulsion, la société de négoce d’hydrocarbures qu’il a créée en 1987 est devenue un ensemble pétrolier et minier intégré. Producteur de pétrole au Nigeria, distributeur de gaz de pétrole liquéfié (GPL) en Côte d’Ivoire et de carburants au Bénin ou encore au Sénégal, Addax et Oryx est présent dans un nombre croissant de pays du continent, où il emploie neuf cents personnes. Devenu un acteur clé dans ce secteur très convoité du pétrole africain, Jean-Claude Gandur nous livre sans fard sa vision de la marche des affaires en Afrique.

Jeune Afrique/l’intelligent : Votre stratégie d’implantation en Afrique passe souvent par le rachat d’actifs aux majors pétrolières. Elles ne sont donc plus toutes-puissantes ?
Jean-Claude Gandur : Les majors se retirent progressivement de certaines activités, notamment dans la distribution. Ce faisant, elles laissent la place à une nouvelle génération d’acteurs, de taille plus modeste, mais aussi plus spécialisés, plus proches du terrain, comme c’est notre cas. Plus tard, je crois qu’il y aura un nouveau mouvement où les sociétés comme la nôtre se retireront pour laisser la place à des entités typiquement africaines. C’est d’ailleurs déjà ce qui se passe au Mali.

la suite après cette publicité

J.A.I. : Qu’est-ce qui pousse les majors à se retirer ?
J.C.G. : La libéralisation des marchés. Dans la distribution, par exemple, la concurrence locale s’est accrue. Les majors ne maîtrisent donc plus toute la chaîne, comme autrefois, et elles n’y trouvent plus leur compte. Je crois que leur tort a été de vouloir tout faire, de vouloir être présentes partout, dans la production, dans le commerce, dans le raffinage. Elles ont dépensé beaucoup d’argent, parfois en pure perte. Pour être influentes, il leur est arrivé de développer des relations avec certaines personnes qui étaient plus intéressées par leur propre fortune que par la valorisation des richesses de l’Afrique.

J.A.I. : Ces personnes ont donc perdu leur influence ?
J.C.G. : Un nombre croissant de responsables africains sont convaincus qu’il faut créer des emplois et des capitaux. Il subsiste toutefois un problème de taille : la mauvaise gouvernance. C’est la plaie des économies africaines car elle tue l’investissement. Il faut par exemple mettre fin à la « politique de l’enveloppe ». Si je veux construire une usine qui coûte 10 millions de dollars ailleurs dans le monde, je ne peux pas accepter qu’elle me revienne trois fois plus cher parce qu’elle est en Afrique. La bonne gouvernance suppose aussi que les décisions de justice soient respectées et appliquées à tous, ministre ou chef d’entreprise.

J.A.I. : Pensez-vous que la situation puisse changer rapidement ?
J.C.G. : Hélas, non. Après quarante-cinq ans d’indépendance, ce sont toujours les mêmes qui dirigent réellement les pays africains. Des hommes et des femmes admirables, certes, mais âgés. En outre, tout se passe comme s’ils avaient fait le vide autour d’eux. Personne, dans la génération suivante, les 45 ans à 55 ans, ne paraît en état de prendre la succession. Quant aux trentenaires, ils sont bien formés, ambitieux, entreprenants et visiblement capables. Mais ils sont confrontés à un problème typiquement africain : en dessous de 50 ans, vous n’existez pas, personne ne vous donne votre chance.

J.A.I. : Pourquoi ?
J.C.G. : Le problème provient de la France. Elle ne veut connaître que les dirigeants actuels, pas ceux de demain. Il me semble qu’il est temps de couper le cordon avec l’ancienne puissance. C’est maintenant que la décolonisation doit commencer. Des pays comme le Mali, le Bénin ou encore le Sénégal ont déjà bien avancé sur cette voie. Dans d’autres pays, où l’opposition n’a pas eu véritablement les moyens de s’exprimer, la transition pourrait se dérouler dans la souffrance. Comme c’est en train de se passer en Côte d’Ivoire et, dans une moindre mesure, au Togo.

la suite après cette publicité

J.A.I. : Vous êtes bien pessimiste…
J.C.G. : Pas du tout. Si je l’étais, je n’investirais pas autant en Afrique francophone ! Pour un investisseur comme moi, il faut comprendre ce schéma, et faire en sorte de ne pas le reproduire. La filiale africaine d’une multinationale, par exemple, doit être dirigée par des Africains parce que ce sont des Africains qui y travaillent, même si les capitaux sont suisses, comme c’est notre cas. Mettre des Suisses, des Britanniques ou des Français, ça n’a pas de sens. Ma politique économique, c’est de m’allier avec des équipes locales, de préférence des personnes qui ont montré qu’elles savent réussir en affaires. Il doit y avoir des interactions, pour ne pas dire une symbiose, entre les investisseurs et les élites locales.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires