La France montre ses vraies couleurs

Publié le 11 juin 2006 Lecture : 2 minutes.

En novembre dernier, la première fédération des Noirs de France, le Conseil représentatif des associations noires (Cran), a été créée, rassemblant des Noirs français de souche, nés dans les départements et territoires d’outre-mer, des jeunes Noirs de seconde génération d’immigrés, le plus souvent originaires des pays d’Afrique subsaharienne, qui deviennent citoyens français à 18 ans, et d’autres Noirs, d’origines diverses.
Un autre élément positif est la nomination, en mars, du premier présentateur noir de prime time, sur la plus regardée des chaînes de télévision. À peine quelques semaines plus tard, un grand hebdomadaire (Le Nouvel Observateur, NDT) faisait sa couverture sur « Nous, les Noirs de France » avec, en photo au premier plan, Keyza Nubret, une chef d’entreprise française noire.
Sans surprise, cette France colorée (la population noire de France rassemblerait entre 2,5 et 5 millions de personnes) se manifeste en dehors de la sphère de l’État.
Malgré tout, ces événements ont marqué l’entrée officielle dans la sphère publique française d’un groupe d’intérêt dont l’unité repose sur les traits communs qu’on attribue à ses membres – un petit tremblement de terre dans le paysage politique français.
Hélas, depuis que ce vent de changement bienvenu a commencé de souffler, l’intelligentsia française est curieusement restée silencieuse. À l’exception de quelques esprits courageux, beaucoup d’intellectuels sont toujours caractérisés par leur indépassable engagement en faveur de l’idéologie républicaine et de son idéal d’assimilation. Alors que le livre de Paul Gilroy They Ain’t no Black in the Union Jack (« Il n’y a pas de noir dans le drapeau britannique ») a eu un effet incontestable sur les débats autour de l’anglicité, la France n’a toujours pas produit d’intellectuels ayant une influence comparable.
Les intellectuels français ne pourront participer au défi d’une meilleure intégration des minorités dans l’administration française qu’à la condition d’en finir avec leur propre impérialisme culturel. C’est à cette seule condition qu’ils seront fidèles à la vieille tradition française de l’intellectuel engagé.
La lente émergence de la réalité d’une France colorée ne signifie pas que les principes de la citoyenneté française doivent être jetés par-dessus bord et que des quotas ethniques doivent être institués partout, depuis les prime time jusqu’au service public. Mais cela signifie que la notion de représentativité est importante, et que la France ne peut pas prospérer si elle continue à décevoir ses immigrés en leur promettant l’égalité alors qu’elle ne leur offre que la ségrégation.

*Michèle Lamont est professeur de sociologie et d’études africaines et afro-américaines à l’université Harvard. Éloi Laurent est économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques à Paris et auditeur au Centre d’études européennes à Harvard.

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