Le choix des Frères

Après des assises particulièrement tendues, les islamistes du Mouvement de la société pour la paix (MSP) ont reconduit, contre toute attente, leur président Bouguerra Soltani.

Publié le 11 mai 2008 Lecture : 4 minutes.

À l’issue de trois jours de débats houleux, le quatrième congrès du Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas) a reconduit, le 2 mai 2008, son président, Bouguerra Soltani, pour un nouveau mandat à la tête du parti se réclamant des Frères musulmans. Son rival, Abdelmadjid Menasra, croyait avoir mis tous les atouts de son côté : le soutien des historiques du MSP, l’appui sans réserve de la famille de Mahfoud Nahnah, fondateur du parti, disparu en juin 2003, le bilan catastrophique du président sortant, le contrôle de la commission de préparation du congrès et les suffrages d’une large majorité des 1 200 congressistes. Mais Bouguerra Soltani va habilement déjouer toutes les manuvres de son adversaire. En engageant dans un premier temps une bataille de procédure, il a réussi à désamorcer, une à une, toutes les bombes préparées par ses détracteurs. Sûr du soutien du Majlis el-Choura (comité central) Abdelmadjid Menasra avait convaincu la commission de préparation du congrès de débuter les assises par l’élection du nouveau président avant de renouveler la composante du Majlis el-Choura. Or les règlements intérieurs du parti prévoient le contraire : désignation préalable de l’instance exécutive, qui élira le président du mouvement. Durant quarante-huit heures, cette bataille de procédure à huis clos a failli tourner à la foire d’empoigne. Aux échanges de noms d’oiseaux succédaient les attaques les plus violentes.
Au fil des heures et des interventions, Bouguerra Soltani marque des points en défendant le bilan du président Abdelaziz Bouteflika. « Qui pourrait affirmer aujourd’hui que notre parti n’a pas contribué au redressement du pays ? Notre choix de soutenir l’action du président Bouteflika et de faire partie de son gouvernement est historiquement payant. » Mais ses adversaires n’ont pas désarmé : « La gestion du MSP par Bouguerra Soltani a été catastrophique. Le recul électoral est indéniable et notre participation à l’Alliance présidentielle [en partenariat avec les nationalistes du FLN d’Abdelaziz Belkhadem et du Rassemblement national démocratique, RND, d’Ahmed Ouyahia, NDLR] a marginalisé le MSP au profit de ses partenaires. »
Autre grief agité par les détracteurs de Bouguerra Soltani : son statut de membre du gouvernement sans portefeuille. Ministre d’État sans réelles prérogatives, il a refusé de démissionner, comme l’y appelaient nombre de militants de base, d’un poste vécu comme une humiliation par les Frères musulmans. Abdelmadjid Menasra ne s’est pas contenté de mobiliser les dirigeants historiques et une grande partie de la base. Il a également convaincu les différentes représentations de l’obédience Frères musulmans à l’étranger, à commencer par l’aile égyptienne, en délicatesse avec le pouvoir. C’est ainsi qu’Abdelmadjid Menasra est arrivé au congrès fort du soutien du Hamas (palestinien), du Parti de l’action islamique (jordanien) et de plusieurs personnalités religieuses internationales proches des Frères. Mais tout cela s’est révélé insuffisant pour « débarquer » le successeur de Mahfoud Nahnah. Le quatrième jour des assises coïncidait avec un vendredi, jour de la grande prière hebdomadaire. Le sermon (khotba) précédant la prière revient de droit à Bouguerra Soltani, toujours président en exercice du mouvement. Profitant de cette tribune – face à des fidèles qui ne pouvaient exprimer leur mauvaise humeur dans le cadre de la mosquée et inverser la tendance générale -, il a défendu sa stratégie d’entrisme dans l’exécutif et loué la qualité du travail des représentants du MSP dans le gouvernement.
À la fin de la prière, les congressistes rouvrent les hostilités, mais Bouguerra Soltani avait reconquis le terrain perdu. Constatant qu’il avait définitivement perdu la bataille, Abdelmadjid Menasra, en larmes, monte à la tribune pour annoncer le retrait de sa candidature. Tollé dans l’assistance Une interruption de séance sera nécessaire pour que le calme revienne dans la salle. Fort de sa victoire, Bouguerra Soltani se montre bon prince, se réjouissant que le MSP, parti islamiste, ait pu donner une telle leçon de pratique démocratique à « tous ceux qui nous en donnent tous les jours que Dieu fait ».

Le grand ménage
Toutefois, leçon démocratique ou pas, le quatrième congrès des Frères musulmans laissera sans doute des traces. Quelques jours après cette « victoire », Bouguerra Soltani change de ton et promet de s’en prendre à ceux de ses adversaires qui ont voulu transformer le MSP en « parti d’appareil ». Si le « linge sale a été lavé en famille », cela ne sera pas sans conséquences. Il a promis de débarrasser le MSP de tous les pêcheurs en eau trouble, c’est-à-dire tous ceux qui ont tenté d’avoir sa tête. Sera-t-il le candidat du MSP à la prochaine élection présidentielle, prévue en avril 2009 ? Bouguerra Soltani botte en touche. « Nous sommes en faveur de la révision constitutionnelle. Quant à la question du troisième mandat pour Abdelaziz Bouteflika, nous l’aborderons sereinement au moment opportun. » Quand ? « Dès que le président Bouteflika évoquera son avenir. » Mais à bien y regarder, l’étape du congrès fut trop éprouvante pour que Bouguerra Soltani n’en tire aucun enseignement. Sans doute a-t-il enfin compris que son statut de ministre d’État plombait ses ambitions et réduisait son poids politique. Il devrait vraisemblablement présenter sa démission du gouvernement dans les semaines à venir.

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