Quels sont les rapports entre l’Éthiopie et la Somalie ?

Publié le 11 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Pendant la première moitié du XXe siècle, l’Éthiopie a été un symbole de résistance africaine à l’impérialisme européen. Les Éthiopiens ont battu les troupes coloniales italiennes à Adoua en 1896 et le pays a sauvegardé son indépendance. Quand l’Italie a fait une nouvelle tentative, en 1935, l’empereur Haïlé Sélassié est allé demander à la Société des nations une sécurité collective contre l’invasion. Il n’a reçu aucune aide. L’Éthiopie est alors devenue le symbole de l’Afrique dans tout le monde noir.

Lors de la difficile genèse de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1963, Haïlé Sélassié a profité de son prestige pour jouer les intermédiaires entre les différents États africains. L’OUA a installé son siège à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. Mais si l’Éthiopie a tenu ce rôle symbolique sur tout le continent, elle a développé aussi des rouages étatiques tyranniques. Lors des grandes famines dans les années 1970, le mécontentement interne s’est aggravé. En 1974, un militaire, Mengistu Haïlé Mariam, a pris la tête d’une révolte contre la monarchie et créé un gouvernement militaire qui s’est rapidement autoproclamé marxiste-léniniste.
La Somalie, voisine de l’Éthiopie, avait également un gouvernement militaire sous Siyad Barre, qui se qualifiait lui-même de « socialiste scientifique ». Elle entretenait des relations tendues avec les États-Unis et assez étroites avec l’Union soviétique. Après le coup d’État de 1974, quand Mengistu s’est déclaré marxiste-léniniste, l’Union soviétique a abandonné la Somalie et jeté son dévolu sur l’Éthiopie, plus grande et plus importante. Les États-Unis se sont alors, à leur tour, intéressés à la Somalie.
Un peu d’analyse ethnique est nécessaire pour comprendre ce qui s’est passé ensuite. L’Éthiopie est un ancien royaume chrétien, longtemps dominé par l’aristocratie amhara. Il y a un groupe chrétien important, les Tigrés, qui parlent une autre langue. Et deux autres groupes assez importants : les Oromos, dont la moitié sont musulmans, et les Somalis musulmans. En outre, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Éthiopie a absorbé la colonie italienne côtière de l’Érythrée. Sous Haïlé Sélassié, seuls les Amharas comptaient, et l’Érythrée se battait pour son indépendance. Sans l’Érythrée, l’Éthiopie n’a pas d’accès à la mer.

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Le cas de la Somalie était tout à fait différent. Il y a eu deux colonies, l’une italienne (Somalia) et l’autre britannique (Somaliland). La Somalie italienne est devenue indépendante en 1960 et a fusionné avec la Somalie britannique. Dans les années 1960, quand les conflits ethniques ont commencé à déchirer un grand nombre d’États africains, c’était un lieu commun de penser que la Somalie ne connaîtrait jamais de conflit ethnique, puisque presque tout le monde était ethniquement somalien, parlait somalien et était musulman.
Les habitants des deux pays ont rongé leur frein sous les deux dictatures. À la fin de la guerre froide, aucun des deux gouvernements n’a survécu. Mengistu et Barre ont été tous les deux renversés, en 1991.
En Somalie, l’État ethnique « parfait » s’est désintégré, car les clans ont commencé à se battre. En 2006, un groupe appelé l’Union des Tribunaux islamiques a pris le pouvoir à Mogadiscio, la capitale, et expulsé les chefs des clans féodaux, instaurant une paix relative pour la première fois depuis plus d’une décennie.
Washington a considéré l’Union des tribunaux islamiques comme une copie conforme des talibans et une alliée d’al-Qaïda. Zenawi également. L’Éthiopie a donc décidé de chasser les Tribunaux islamiques et de venir en aide au gouvernement central impuissant, qui n’avait même pas été capable d’entrer dans la capitale.
L’Éthiopie a, bien sûr, gagné la première manche. Mais les Somaliens n’accueillent pas les Éthiopiens comme des libérateurs, et Mogadiscio reste dans la tourmente.

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