newton Aduaka : l’enfant-soldat du 7e art
Le grand triomphateur du Fespaco 2007, le réalisateur d’Ezra, était contrarié le matin même de son sacre. La veille, on lui avait volé son sac pendant qu’il discutait avec quelqu’un : il ne lui en coûtera finalement que 20 000 F CFA pour récupérer ses affaires auprès d’un racketteur qui avait envoyé un intermédiaire Newton Aduaka (40 ans), cinéaste esseulé dans un paysage audiovisuel nigérian où ne règnent plus que les fabricants de vidéos à la chaîne, ne saurait d’ailleurs se plaindre de ses séjours à Ouagadougou. Venu pour la première fois en 1995 présenter un court-métrage (On the Edge), il avait gagné le premier prix dans cette catégorie. En 2001, avec Rage, il obtiendra le prestigieux prix Oumarou-Ganda, du nom du célèbre cinéaste pionnier du Niger qui récompense le meilleur premier film. Et aujourd’hui, le voilà qui reçoit le trophée suprême, l’Étalon d’or, qui consacre pour la première fois un Nigérian. Le sujet de son film ne concerne pas directement son pays d’origine : il se déroule pour l’essentiel en Sierra Leone, où, à l’aide de longs flash-back évoquant le passé d’un ancien enfant-soldat qui comparaît devant une Commission Vérité et Réconciliation, il reconstitue des épisodes de la guerre civile des années 1990. Ce thème le concerne directement, et pas seulement parce qu’il se veut un cinéaste engagé. Né au Biafra, Aduaka a lui-même vécu, enfant, la guerre. Se demander comment on peut se reconstruire une fois rendu à la vie « normale » après avoir été embrigadé par des chefs de guerre dès son plus jeune âge n’est donc pas une question anodine pour lui. D’où l’impact de son film, violent mais qui évite tout pathos.
Obsédé par l’idée que les cinéastes du continent ont un rôle à jouer, sinon une mission à remplir, pour imposer leur point de vue et leurs images dans un paysage audiovisuel dominé par Hollywood, il a réussi avec Ezra à montrer l’exemple au meilleur moment. C’est en effet alors même que vient de sortir sur des milliers d’écrans dans le monde Blood Diamond, une vision hollywoodienne des guerres civiles en Afrique (avec Leonardo DiCaprio au générique), qu’il peut démontrer avec éclat qu’une autre approche est possible. Ezra, comme il aime à le dire, commence justement là où s’arrête Blood Diamond. Là où il s’agit de s’intéresser aux vraies victimes de ces guerres civiles, qui sont évidemment les Africains et non pas quelques Blancs en quête de « diamants du sang ».
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