Mehdi Ben Barka condamné à mort par contumace

Publié le 11 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Le 14 mars 1964, après quatre mois de procès, le verdict tombe : accusés d’avoir voulu assassiner Hassan II et renverser la monarchie, Mohamed « Fqih » Basri, Omar Bengelloun et Mehdi Ben Barka, les cerveaux de la « conjuration de Juillet », sont condamnés à mort – le dernier nommé par contumace. Née en septembre 1959 d’une scission avec le parti nationaliste de l’Istiqlal, l’Union nationale des forces populaires (UNFP) est décapitée. Abderrahim Bouabid, leur avocat, lui aussi membre de la direction collégiale du parti, n’a rien pu faire. La gauche marocaine crie au complot contre la démocratie. C’est ce que l’Histoire retiendra. Pourtant, il y a bel et bien eu tentative de complot, même si elle a été déjouée à temps. Trop fin politique pour ignorer les rapports de forces, le roi demandera à la justice de surseoir aux exécutions. Et en mars 1965, au lendemain des sanglantes émeutes lycéennes de Casablanca, il graciera tous les détenus pour manifester sa volonté d’ouverture. Ce complot – ou plutôt ces complots, car le « Fqih » Basri et Ben Barka, qui ne se faisaient aucune confiance, en avaient l’un et l’autre ourdi un – était la conséquence d’un bras de fer commencé longtemps auparavant. Flash-back.

Mai 1960 : Mohammed V limoge Moulay Abdallah Ibrahim (UNFP), décide d’assumer les fonctions de chef du gouvernement et nomme Moulay Hassan, son propre fils, vice-Premier ministre. La gauche dénonce un « coup d’État blanc » et réclame l’élection d’une Assemblée constituante afin de limiter les pouvoirs du souverain et d’instaurer une monarchie parlementaire. Le 26 février 1961, après le décès de son père, Moulay Hassan monte sur le trône. Il est à la fois contesté à l’intérieur, notamment par la gauche, qui, sous l’impulsion de Ben Barka et de ses amis, théorise « l’option révolutionnaire », et très isolé sur la scène internationale. Convergences idéologiques obligent, l’Algérie d’Ahmed Ben Bella, indépendante depuis juillet 1962, l’Égypte nassérienne ainsi que la Syrie et l’Irak baasistes apportent un soutien de moins en moins discret à l’UNFP. Mais Hassan II va se révéler fin stratège. En novembre 1962, il décide d’octroyer une Constitution au royaume et, dans la foulée, de convoquer un référendum que la gauche, piégée, décide de boycotter.
Au mois d’avril suivant, des législatives sont organisées. À la surprise générale, l’UNFP y participe et rafle la mise dans les villes du « Maroc utile ». Mais le camp royaliste l’emporte au plan national, au prix de quelques arrangements avec la vérité des urnes. Floués, les leaders de la gauche jugent qu’il n’y a plus rien à attendre du régime et pensent à « faire autre chose ». C’est dans ces conditions que le Fqih Basri, un ancien chef de la résistance, met au point son complot, croyant pouvoir compter sur ses relations au sein des Forces armées royales… Ben Barka, jugé trop « opportuniste », est tenu à l’écart. Sentant que quelque chose se trame, ce dernier improvise son propre complot, en s’appuyant sur Moumen Diouri, proche d’un certain Ahmed Afouliz, dit Cheikh el-Arab, une figure de la résistance armée qui ne porte pas le Fqih dans son cur. Diouri tente naïvement de se procurer des armes auprès de la base américaine de Kénitra. Les deux complots sont déjoués sans difficulté. Arrêté, Diouri se met à table, mais Ben Barka a déjà quitté le Maroc…

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L’ancien précepteur de Moulay Hassan au collège royal, qui a présidé l’Assemblée nationale consultative entre 1956 et 1959, prendra par la suite maladroitement position pour l’Algérie dans le conflit frontalier (la « Guerre des sables ») qui éclate en octobre 1963. Il est immédiatement condamné à mort par contumace, pour haute trahison, par un tribunal militaire. Quatre mois plus tard, en mars 1964, il l’est à nouveau pour son rôle dans le « conjuration de Juillet ».
Tout en gardant un il sur l’UNFP, principalement dirigée, désormais, par Bouabid, Ben Barka se jette à corps perdu dans la structuration du mouvement tiers-mondiste, dans la perspective de la conférence tricontinentale de La Havane, qui aura lieu sans lui, en janvier 1966. Enlevé à Paris par des truands liés aux services secrets marocains et français, il disparaît le 29 octobre 1965. Son corps n’a jamais été retrouvé.

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