Identités caduques

Publié le 11 mars 2007 Lecture : 2 minutes.

L’image tout d’abord. Laurent Gbagbo, à Ouagadougou, serrant la main à son ennemi intime, Guillaume Soro, sous le haut patronage de Blaise Compaoré, qui fut son ami et protecteur avant de devenir, à ses yeux, le maître d’uvre des complots. On a envie d’y croire. De croire à la paix en Côte d’Ivoire. On a envie de faire l’impasse sur les calculs et les manuvres. On a envie de retrouver un pays uni et une Afrique de l’Ouest apaisée. On prie pour que cessent ces appels au Dieu des uns contre le Dieu des autres. On pense aussi à ces milliers d’Ivoiriens qui ont été déplacés, dépouillés, privés d’identité, brutalisés, assassinés depuis l’origine de la crise, donc depuis fin 1999, et le fameux coup d’État de Noël.
1999-2007 : près de huit ans de division, de complots, de tumulte, de chaos. Et en un mois à peine, du 5 février au 4 mars, les deux camps, face à face, trouvent une solution

Comme souvent la paix avance lorsque les voies de la guerre se rétrécissent. Les protagonistes savent qu’ils ne peuvent plus vaincre, ni perdre d’ailleurs. Gbagbo et ses amis, Soro et ses rebelles, Blaise, les Burkinabè tous s’épuisaient dans une bataille sans fin. Ce sont des politiques et des hommes d’État : « Si la guerre ne mène nulle part, passons donc à la paix » Celle, « directe », entre Gbagbo et Guillaume Soro, et celle, « indirecte », entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire.
Grand vainqueur de cette affaire : Laurent Gbagbo, évidemment. Celui que l’on avait donné condamné tant de fois est toujours là. Manuvrier, tenace, il a obtenu la mise à l’écart de la France, des Nations unies, d’Alassane Ouattara, de Charles Konan Banny, d’Henri Konan Bédié. Et il aura survécu à Jacques Chirac Il se trouve toujours au palais, au cur du pouvoir, bien décidé à gérer au mieux le « jeune » Soro. En situation quasi idéale pour affronter des élections.
Autre vainqueur, Blaise Compaoré. C’est lui et ses conseillers qui ont fait accoucher le texte. C’est Blaise qui conforte sa place d’acteur majeur du jeu ivoirien. Qui protège au mieux les intérêts du Burkina. Et qui reste, malgré l’usure du pouvoir, malgré la faiblesse des moyens dont dispose son pays, l’homme clé de la région.

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On peut aussi gloser sur les perdants (nombreux). Sur les nouveaux équilibres stratégiques régionaux, sur les perspectives économiques. Sur ceci ou cela Et puis, avec le recul, il y a la sensation que quelque chose d’essentiel manque. Cet accord n’est que le début du début. La paix est devenue, enfin, une option, mais il faut lui donner un contenu, une réalité.
Faire la paix et gouverner ensemble. Faire la paix et répondre à toutes les questions sur l’identité, sur le recensement, sur l’intégration des forces combattantes, sur la neutralité de l’État. Faire la paix et faire des élections transparentes. Faire la paix, au-delà des ambitions personnelles. Faire la paix et devenir enfin une nation.
Pour la Côte d’Ivoire, le pire est temporairement évité, mais la vraie épreuve, c’est ce qui commence maintenant.

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