Quand un parrain se met à table

Publié le 11 février 2007 Lecture : 2 minutes.

C’est l’histoire d’un petit receleur devenu, en quelques années, le plus gros trafiquant de drogue d’Algérie. Au début des années 1980, Ahmed Zendjabil n’était connu de la police de Chlef, dans l’Oranais, que pour des délits relativement mineurs : contrebande de véhicules et falsification de documents administratifs. Au milieu de la décennie, il est condamné par contumace à une lourde peine de prison, s’enfuit de sa ville natale et s’établit à Oran. C’est dans la grande ville de l’Ouest algérien, réputée pour ses cabarets, ses bars et ses lupanars, que Zendjabil s’initie au commerce du cannabis par l’entremise d’un certain Selham, une petite frappe expulsée de France pour trafic de stupéfiants.
D’abord simple dealer, Zendjabil va peu à peu constituer une organisation criminelle qui importe du Maroc d’énormes quantités de kif. Il en écoule une partie dans son pays et exporte le reste vers l’Europe et le Moyen-Orient. À ses plus beaux jours, le cartel de Zendjabil parvenait à écouler annuellement quelque 900 t de résine de cannabis. Pour sécuriser son trafic, il n’hésitait pas à acheter la complicité d’officiers supérieurs de l’armée, de chefs de la police locale, de hauts fonctionnaires et de magistrats. À Oran, on affirme volontiers qu’un général-major, ancien patron d’une importante région militaire, était au nombre de ses « amis ». Même les sinistres Groupes islamiques armées (GIA), qui, dans les années 1990, faisaient régner la terreur dans le pays, bénéficiaient de ses largesses. Le cartel finançait l’achat d’armes et de munitions au profit des terroristes, à charge pour ses derniers d’assurer la sécurité des convoyeurs de drogue.
L’organisation dirigée par Zendjabil disposait de solides accointances au Maroc. Dans les milieux de la drogue, bien sûr, mais aussi dans l’appareil sécuritaire. Du coup, bien que visé par plusieurs mandats d’arrêts, il ne fut jamais inquiété et vivait paisiblement à Oujda, dans une luxueuse villa avec piscine. Il possédait plusieurs commerces dans diverses villes du royaume et d’innombrables biens en Algérie.
Le 3 juillet 2006, Ahmed Zendjabil (52 ans) s’est rendu aux autorités algériennes dans l’espoir de bénéficier d’une mesure de grâce, dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Aussitôt incarcéré, il s’est montré fort coopératif. Grâce à son témoignage, un important réseau marocain dirigé par Mohamed el-Kharraz, alias Cherif Ben Louidane, a été démantelé, dès le mois suivant. Dans la foulée, treize responsables régionaux de la DGSN, de la DST, de la gendarmerie et des Forces auxiliaires ont été arrêtés, tandis qu’à Rabat, le général Hamidou Laanigri perdait son poste de directeur général de la Sûreté. Les Marocains ont donc choisi de faire le ménage, vite et en profondeur. En Algérie, en revanche, on attend toujours un quelconque « effet Zendjabil ».

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