Éloge des littératures subsahariennes

Publié le 11 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Il n’est pas abusif de dire que les écrivains d’origine subsaharienne ont le vent en poupe en France. Le Renaudot attribué en novembre dernier au Congolais Alain Mabanckou pour Mémoires de porc-épic (Le Seuil) de même que le Goncourt des Lycéens décerné dans la foulée à la Camerounaise Léonora Miano pour Contours du jour qui vient (Plon) sont parmi les signes d’une reconnaissance grandissante. Aux auteurs inscrits d’assez longue date dans le paysage littéraire hexagonal, tels que Calixthe Beyala, originaire du Cameroun, Tierno Monénembo (Guinée), Boubacar Boris Diop (Sénégal) ou Henri Lopès (Congo) – sans oublier les grands disparus comme l’Ivoirien Ahmadou Kourouma, le Congolais Sony Labou Tansi, le Camerounais Mongo Beti -, s’est ajoutée une nouvelle génération de romanciers qui font les beaux jours des maisons d’édition françaises. Du Tchadien Nimrod à l’Ivoirien Koffi Kwahulé en passant par les Togolais Kangni Alem, Sami Tchak et Kossi Efoui, le Djiboutien Abdourahman Waberi, la Sénégalaise Fatou Diome ou encore les Camerounais Gaston-Paul Effa et Eugène Ebodé, ils ont, en multipliant les thématiques et les formes narratives, conquis un public qui ne demande qu’à découvrir de nouveaux horizons. Ce que confirme le succès grandissant des traductions (d’ouvrages anglo-saxons, mais pas seulement) en France.
Voilà que deux livres récents apportent une série d’éclairages sur les origines et les développements de ce que l’on appelle communément – même si cette catégorisation peut paraître arbitraire – les littératures d’Afrique noire.
Déjà auteur de nombreux livres sur un sujet dont il est incontestablement l’un des meilleurs spécialistes, Jacques Chevrier, professeur émérite à la Sorbonne, propose une nouvelle synthèse dans Littératures francophones d’Afrique noire. On y voit notamment comment, depuis un quart de siècle, les écrivains africains se sont affranchis des idéologies (telle que la négritude) ou des considérations militantes qui imprégnaient les uvres de leurs aînés. Comme le dit Jacques Chevrier, à une écriture du politique succède aujourd’hui une politique de l’écriture. Ces dernières décennies ont vu également l’émergence d’une écriture féminine autonome, alors que des genres jusqu’ici peu explorés comme le policier font de nombreux adeptes.
Tout autre est l’approche d’Alain Ricard, directeur de recherche au CNRS, dont les travaux se situent à la croisée de l’anthropologie culturelle, de la science politique et de la littérature comparée. Dans Histoire des littératures de l’Afrique subsaharienne, il offre une vision plus large sur les plans à la fois historique et linguistique. Son livre nous fait remonter aux premiers systèmes d’écriture africains que furent l’égyptien ancien et les inscriptions méroïtiques, apporte de précieux éclaircissements sur l’oralité et dresse un inventaire des traditions écrites dans les différentes régions subsahariennes.
Le lecteur non averti découvre ainsi qu’il existe bel et bien des littératures peule, swahilie, haoussa, zouloue ou mandingue. Le développement des langues importées d’Europe les a, dans la plupart des cas, rejetées dans l’ombre à partir du début du XXe siècle. Aujourd’hui, cependant, nombre d’auteurs s’interrogent sur le sens de leur travail, conscients que leurs livres en anglais ou en français sont inaccessibles au plus grand nombre. Certains d’entre eux, et non des moindres, comme Boubacar Boris Diop ou Ngugi wa Thiong’o écrivent et publient désormais des ouvrages dans leur propre langue, le wolof et le kikuyu en l’espèce. Peut-être sont-ils en train d’ouvrir un nouveau chapitre dans cette histoire de la littérature subsaharienne dont Alain Ricard présente ici les multiples facettes.

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