Hourmadji Moussa Doumgor

Ministre tchadien de la Communication

Publié le 10 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Hourmadji Moussa Doumgor n’était pas venu à Jeune Afrique depuis 1984. À l’époque, l’actuel ministre tchadien de la Communication et porte-parole du gouvernement avait fui son pays et le régime d’Hissein Habré. En exil à Brazzaville, il était le conseiller politique d’un chef rebelle, le général Kamougué, aujourd’hui l’une des figures de l’opposition à N’Djamena. Vingt-deux ans plus tard, l’ancien élève à l’école de journalisme de Yaoundé, un homme affable de 56 ans, a quitté le maquis et laissé derrière lui une carrière à la télévision tchadienne entamée sous Habré – Hourmadji Moussa Doumgor est rentré au pays en 1987 – et poursuivie sous Déby Itno. Mais, comme en 1984, l’ex-opposant, ministre depuis avril 2004, s’alarme du sort de son pays. À ceci près qu’aujourd’hui l’ennemi désigné n’est plus à N’Djamena.
À ses yeux, les affrontements intercommunautaires, qui, depuis la fin du mois d’octobre, ont fait 400 morts dans la région de Goz Beïda, à la frontière soudanaise, portent l’empreinte de Khartoum. « Les conflits intercommunautaires ont toujours existé dans cette région, explique-t-il. C’est une zone de pâturage et de transhumance où il y a toujours des problèmes autour des points d’eau entre agriculteurs et éleveurs. D’ordinaire, les gens règlent cela avec les chefs traditionnels. Mais cette fois-ci, les affrontements ont pris une autre dimension, certains ont des armes de guerre. Et nous pensons que c’est le Soudan qui transpose au Tchad son conflit du Darfour. »

À croire l’enfant de Moïsalla, sa ville natale (dans le sud du pays), c’est aussi Khartoum qui a permis, en avril dernier, l’arrivée aux portes de N’Djamena du Front uni pour le changement (FUC). Le ministre en veut pour preuve l’équipement des rebelles emmenés par Mahamat Nour. « Quatre-vingts véhicules tout-terrain qui coûtent au bas mot 30 à 40 millions de F CFA chacun, c’est un coût qu’aucune rébellion ordinaire ne peut supporter », observe-t-il. Sa déduction est sans appel : « Nous avons affaire à une armée qui a une base arrière en territoire soudanais. » Voilà qui incite le président tchadien à déclarer, le 28 novembre, son pays en état de guerre avec le Soudan. Et à instaurer la censure, obligeant son ex-journaliste de ministre à monter au créneau pour expliquer – sans trop convaincre – à ses confrères d’hier la nécessité d’une telle mesure. À la guerre comme à la guerre.
Les raisons qui inciteraient Khartoum à déstabiliser son voisin ne sont toutefois pas claires. « Le président Béchir a peut-être cru que le Tchad servait de base arrière aux rebelles du Darfour et il veut donner la réplique », se hasarde l’ex-opposant, avant de lancer une autre hypothèse : « Béchir peut avoir pour ambition d’exporter son modèle politique qui repose sur un islamisme militant, dans un projet global de déstabilisation de la sous-région pour étendre son influence. » Aujourd’hui, un médiateur entre les frères ennemis ne pourrait rien, estime le ministre. En août 2006, au lendemain de l’investiture de Déby Itno, la tentative – avec le président Wade dans le rôle du pacificateur – avait échoué. À ses yeux, la seule solution est que « la communauté internationale place le Darfour sous mandat onusien », car « tant qu’il y aura des problèmes au Darfour, il y aura des problèmes au Tchad ».

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Pourtant, c’est un Tchad aux abois qu’il décrit, avec « des quartiers de N’Djamena sans eau potable », « des préfectures de 8 000 habitants sans médecin » et « des classes de 150 à 200 élèves ». Une situation d’urgence qui justifie, selon lui, la volonté du gouvernement d’utiliser le « fonds pour les générations futures », ce coffre-fort dans lequel l’État s’est engagé à thésauriser 10 % prélevés sur les revenus pétroliers pour préparer le lendemain. « Ce sont les générations présentes qui assurent l’avenir des générations futures », lance, ironique mais toujours civil, Hourmadji Moussa Doumgor. « Nous avons des arriérés de salaires, comment les fonctionnaires peuvent-ils comprendre ? » feint-il de s’interroger.
C’est pour les mêmes raisons que l’État, qui a créé, en juillet, une Société nationale des hydrocarbures, souhaite revoir la convention signée avec le consortium d’entreprises pétrolières par laquelle le pays perçoit 12,5 % des recettes de l’or noir. « Avec ce texte, nous ne profiterons jamais du pétrole », estime le ministre, avant de préciser que l’objectif est « le contrat de partage de production », par nature plus avantageux. En attendant, il faut sortir le pays de « l’état de guerre ».

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