Chávez forever

Beaucoup ont cru que ses outrances verbales allaient isoler le président. Sa réélection triomphale leur a infligé un cinglant démenti.

Publié le 10 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Lors d’une courte cérémonie organisée le 5 décembre au siège du Conseil national électoral (CNE), Hugo Chávez a été déclaré, pour la troisième fois depuis 1998, président élu du Venezuela. Il escomptait 10 millions de voix, il en obtient 7 161 637. Ce qui représente tout de même 62,89 % des suffrages. Pour l’impétueux dirigeant bolivarien, c’est plus qu’une victoire, c’est un triomphe ! Un triomphe allègrement fêté dès le soir du 3 décembre, jour du scrutin, sous une pluie battante, par la foule immense de ses partisans. « Unissons-nous et nous serons libres ! » a-t-il lancé à ces derniers, ainsi qu’au reste du continent, depuis le petit balcon du palais présidentiel de Miraflores, à Caracas. Après avoir annoncé « une nouvelle ère d’approfondissement et d’expansion de la révolution bolivarienne », il a dédié sa victoire à son ami Fidel Castro, non sans avoir invité ses concitoyens à ne pas craindre le socialisme, « fondamentalement humain ».
Chávez avait également promis de battre ses treize adversaires « par K.-O. », mais l’un d’eux, Manuel Rosales, avec 37 % des voix, réalise une performance honorable, d’autant qu’il n’a été désigné candidat unique de l’opposition que trois mois avant la date du scrutin. Mais quand on a pour objectif d’unifier une quarantaine de partis et de mouvements sur de nouvelles bases, de faire oublier les erreurs du passé, les tentatives de putsch et autres grèves patronales qui mirent à mal l’économie, c’est très peu. En comparant ce résultat avec celui de la coordination antichaviste en août 2004 lors du référendum par lequel elle prétendait révoquer le Comandante, on constate que l’opposition n’a pas progressé. Et que Chávez, en revanche, bat tous ses records. Reste qu’avec Rosales, un centriste d’inspiration social-démocrate, l’opposition est enfin parvenue à faire taire cette droite extrémiste toujours prompte à s’écarter des voies légales. Un sursaut dont le mérite revient aussi à Teodoro Petkoff, son conseiller politique, un ancien guérillero qui fut brièvement ministre de Chávez en 1999, avant de considérer que le modèle bolivarien constitue une menace pour la démocratie.
Ignorant ostensiblement ceux qui voulaient contester la régularité du scrutin, les deux hommes ont reconnu la défaite de leur camp dès l’annonce des premiers résultats officiels, évitant au pays les troubles que tout le monde redoutait. Le 5 décembre, lors de sa première conférence de presse en tant que président réélu, Chávez s’est empressé de saluer l’attitude des deux hommes.
Il serait pourtant hasardeux d’en conclure que les relations entre partisans et ennemis de Chávez sont définitivement apaisées. D’autant que ce dernier a bien l’intention de modifier la Constitution pour permettre à tout président, à commencer par lui-même, de se présenter à l’élection suprême autant de fois qu’il le désire. C’est donc bien jusqu’en 2020, voire plus, qu’il pourrait rester aux commandes. Car sa popularité après huit ans d’exercice du pouvoir est toujours aussi grande. Elle est due, bien sûr, au fait qu’après des décennies de gouvernements issus de l’oligarchie blanche la majorité pauvre se sent enfin dirigée par l’un de ses fils, un métis, attentif plus que quiconque à son sort. Les nombreux programmes sociaux mis en uvre par le gouvernement dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’aide alimentaire ou de l’enseignement, s’ils ont connu quelques ratés, ont profondément modifié la vie des couches populaires. Pris en charge par des comités de toutes sortes, ils contribuent, comme le souligne le sociologue Santiago O’Donnel, à construire une nouvelle citoyenneté. Personne, avant Chávez, n’avait tenté l’expérience.
Sur le plan international, inutile de revenir sur l’importance acquise par le Comandante dans la région. Ni sur sa contribution au sursaut de l’Amérique latine face à l’arrogante domination des États-Unis de George W. Bush. Depuis sa première élection, en 1998, la gauche, toutes tendances confondues, a remporté huit des onze élections présidentielles dans la région. Si certains ont pu croire que ses outrances verbales avaient isolé Chávez, ils se sont trompés. Les présidents argentin et brésilien, les deux poids lourds du sous-continent, ont ouvertement soutenu sa candidature. Lula lui a même réservé sa première visite à l’étranger de président réélu.
À Washington, le secrétaire d’État adjoint pour l’Amérique latine, Tom Shannon, s’est contenté de souhaiter que le nouveau mandat du président vénézuélien se traduise par un « approfondissement des relations » avec les États-Unis. Le département d’État semble enfin avoir admis l’idée que Chávez est encore là pour longtemps.

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