Vos lettres ou courriels sélectionnés

Publié le 10 septembre 2006 Lecture : 8 minutes.

Bon anniversaire mon fils
– Lectrice assidue de Jeune Afrique depuis des décennies, j’espère que vous voudrez bien publier cette lettre qui est un cadeau d’anniversaire pour mon fils :
Pourquoi nos enfants se précipitent-ils la tête la première vers l’Europe sur de fragiles nacelles ? Pour gagner dignement leur vie, tout simplement. Mourir pour mourir, autant que ce soit sur le chemin de l’espoir. Ils connaissent les conditions de vie qui les attendent au-delà des mers ; elles sont douces par rapport à celles qu’ils connaissent chez eux. Les talents de nos enfants ne peuvent éclore chez nous. Que de talentueux chanteurs, mannequins, tailleurs, menuisiers, orfèvres deviennent des bons à rien ou, pis, des bons à tout faire faute de débouchés. Nos enfants en sont réduits à traverser la Méditerranée à la nage
La mère frustrée que je suis a assez d’inspiration pour écrire un ouvrage sur ce sujet mais qui l’éditera, qui le lira s’il ne contient aucun détail croustillant sur les Africains et le sexe, aucun récit de sorcellerie, d’anthropophagie, aucune histoire de princesse de Pikine devenue prostituée à Paris ou de prostituée de New-Bell devenue star à Versailles ? Tout ceci pour crier que nos enfants s’étiolent à chercher en vain du travail en Afrique (quand ils sont « naïvement » nationalistes), ou de par le monde quand ils ont perdu leurs illusions sur la mère patrie.
Qui permettra à mon fils de devenir un homme digne et accompli ? Depuis trois ans, il est titulaire d’une licence d’aviation FAA, il a plus de 7oo heures de vol à son actif, il frappe à toutes les portes en vain. Certes, il est noir, musulman, intégré – pas intégriste Non, mon grand ! Ce courrier que j’écris de guerre lasse et qui embarrassera ta pudeur est le cadeau d’anniversaire, pour tes 26 printemps, d’une maman confuse de ne pas t’avoir mis au monde à Genève, Boston, Tunis ou Londres. Je t’aime. Maman.
Mariama, Tunis, Tunisie

Bravo pour « La cause des femmes » !
– Je tenais à vous féliciter ! Mention Bien pour le dossier « Tunisie : la cause des femmes », paru dans le numéro 2381. À vrai dire, j’attendais (je l’avoue, un peu sceptique) de voir comment vous alliez traiter cet événement. Et j’ai été agréablement surpris, j’ai beaucoup apprécié l’article « Libérées, oui mais » et « Ces hommes qui ont le blues ». C’est une idée originale que d’avoir demandé aux hommes leur avis – il était temps ! – sur un sujet qui, me semble-t-il, les concerne de près. Les différents cas évoqués montrent un vrai malaise et c’est la réalité. En tant que citoyen tunisien, je revendique haut et fort le code du statut personnel mais je tiens à dire que la liberté, des femmes ou des hommes, exige une grande maturité et un profond respect de soi et de l’autre. À bon entendeur, salut.
Dr Faycal Ben Amor, Paris, France

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Arrêtons?de stigmatiser les juifs !
– Quand les juifs, pourront-ils enfin vivre normalement en tant qu’individus ? On pleure avec raison sur les malheurs du Liban et on lui déverse des millions de dollars pour panser ses plaies. On est touché par les larmes de M. Fouad Siniora. Mais qui s’est préoccupé de la souffrance juive ? Enfin, le pays du Cèdre a tout de même toléré pendant des années qu’une milice islamiste, terroriste et fasciste installe sur son territoire une puissante base iranienne et y fasse régner la loi des ayatollahs. Que le Hezbollah menace en permanence Israël par-delà la frontière, et proclame haut et fort son intention de le détruire. Aucun Libanais, dirigeant ou citoyen ordinaire n’y a jamais rien trouvé à redire. Mieux, le général Aoun, leader chrétien, s’est empressé, à peine rentré d’exil, de faire alliance avec lui. Les Libanais ont réussi à faire partir les troupes syriennes mais ont accepté sans mot dire d’être colonisés par les Iraniens. Aujourd’hui, les bonnes âmes qui ont trouvé tout à fait normal que le Hezbollah envoie 4 000 roquettes sur des populations civiles, dans le but de tuer le plus de juifs possible, jugent disproportionnée la réaction d’Israël et parlent de « crimes de guerre ». L’Iran, se moquant pas mal des menaces de l’ONU, continue imperturbablement sa marche vers l’arme nucléaire et proclame tout haut son objectif de rayer Israël de la carte. Qui réagit ? Personne. Parce que l’on considère de plus en plus l’État juif comme une parenthèse de l’Histoire dont la disparition souhaitée, ramènerait la paix sur la terre et probablement au ciel.
Pendant ce temps, le nouvel Hitler de Perse, entre deux éructations antisémites, organise des concours de caricatures pour nier la Shoah, sans que cela émeuve ceux qui avaient poussé des hauts cris à l’époque pour condamner les caricatures danoises du Prophète musulman. L’Occident chrétien qui, à travers les siècles, a pris une large part dans la persécution des juifs et qui a fermé les yeux sur le génocide nazi, quand il n’y a pas participé activement, ne trouve rien à redire. Que faut-il faire aujourd’hui quand on est juif pour vivre en paix ? L’Europe n’aurait-elle pas pu conditionner son aide au Liban à une attitude plus responsable des dirigeants de ce pays ? Lorsqu’Ehoud Olmert tend la main à Fouad Siniora et que celui-ci déclare avec hauteur qu’il ne veut rien avoir de commun avec Israël, la France, traditionnelle protectrice des échelles du Levant ne pourrait-elle pas intervenir avec vigueur pour rechercher la paix ? Apparemment la paix est toujours souhaitable sauf avec Israël. Aveuglées par leur partialité, les Nations devraient imaginer qu’un jour Israël pourrait ne plus supporter d’être le Juif des Nations. « Que le compreneur comprenne » dit le proverbe arabe
André Nahum

L’homme face à l’émancipation des Tunisiennes
– J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre dossier sur la liberté des femmes en Tunisie [voir J.A. n° 2381]. J’ai été surpris de voir les réactions des hommes, je ne savais pas qu’il y avait un (petit) hic sur ce sujet ô combien délicat. J’ai trouvé émouvants les Tunisiens interrogés. Je suis algérien, j’ai vécu au Maroc avant de m’installer en France, et j’aimerais connaître les réactions des hommes marocains et algériens, même si la condition de la femme n’est pas aussi évoluée dans leur pays qu’en Tunisie.
Abdeljalil Sidi Saïd, France

Goliath israélien, David libanais
– Contre toute attente, la résistance du Hezbollah s’est révélée acharnée. Contrairement à ce qui pourrait se dire, toute la population du nord au sud du Liban est soudée autour de lui. À défaut de pouvoir s’en prendre à des combattants insaisissables, l’armée israélienne s’en est prise indistinctement et volontairement à toute la population civile et aux infrastructures du pays, ramenant le Liban vingt ans en arrière. Le massacre de civils à Qana, qu’on pourrait appeler « Qana II » puisqu’il est la répétition d’un précédent massacre en 1996, reflète le désarroi d’une armée aux abois qui ne sait plus comment et contre qui se battre. L’offensive terrestre d’Israël a été une défaite pour son armée. Pour éviter de nouvelles humiliations, la stratégie israélienne fut donc l’utilisation de l’arme aérienne à outrance contre toutes les cibles humaines. Le David chiite tient tête à l’ogre Goliath. L’Histoire se répète, mais avec un changement des rôles.
Nabil Z., Tunisie

Matérialisme politique
– Quand une polémique est soulevée uniquement pour cultiver la peur, quand on fait de la surenchère seulement pour maintenir la pression sur son adversaire, l’instauration d’un dialogue est compromise. On ne parle plus pour convaincre et contribuer au progrès ; on ne parle plus que pour invectiver. Comment voudrait-on instaurer un débat politique national alors que même à l’échelle des partis le dialogue est presque impossible ? Ce n’est point une qualité exceptionnelle que de dire ce qui ne va pas, le plus difficile étant de dire ce qu’il faut pour que ça aille mieux. Mais que faire ? Si on passe tout son temps à ergoter sur des problèmes électoraux, on n’a plus l’énergie nécessaire pour agir. Les difficultés que nous avons à asseoir un dialogue politique constructif sont en dernière instance les conséquences de nos vices. La plupart d’entre nous n’embrassent la politique que pour leur salut individuel, la réussite matérielle. Pourtant, ce n’est pas seulement la morale qui interdit de tels penchants, une petite dose de lucidité et de réalisme suffit pour comprendre que personne ne peut asseoir sa réussite matérielle par le biais de la politique à moins d’être un expert en stratégie de détournement de deniers publics.
Alassane Kitane, Sénégal

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Immigration : le grand silence
– L’immigration clandestine fait du bruit. Nos frères africains perdent tout l’argent qu’ils ont épargné, et ils sont rapatriés bredouilles, quand ils n’y laissent pas leur vie. Nicolas Sarkozy, le ministre français de l’Intérieur, fait voter une loi juste avant de venir nous insulter à la maison. Devant ses propos injurieux, nos chefs d’État se taisent. Personne ne réagit. Si on peut pardonner à Boni Yayi, car novice en la matière, on comprend moins le silence d’Amadou Toumani Touré ou d’Abdoulaye Wade, qui s’autoproclame défenseur des Africains. Pourquoi l’Union africaine se tait-elle aussi ? Pourquoi ne suivent-ils pas l’exemple d’Albert Tévoédjrè, qui a adressé une lettre ouverte à Sarkozy publiée dans Jeune Afrique n° 2367 ? Ne donnent-ils pas ainsi raison à celui qui les a insultés à domicile en déclarant : « Africains, vous avez une responsabilité dans l’échec économique de votre continent. » Si tel est le cas, n’est-ce pas nos dirigeants qui sont responsables ? Si ces derniers sont incapables de régler les problèmes locaux, comment sauraient-ils régler les affaires internationales en postulant aux sièges permanents à l’ONU ? Messieurs les chefs d’État, tant que vous ne prouvez pas que vous êtes mûrs pour accéder à ces sièges – en réglant d’abord les problèmes de vos concitoyens – je soutiendrai ceux qui vous les refusent. Je le dis avec véhémence : votre silence est coupable.
Johnny Ntumba Dipa, Osaka, Japon

Amira Hass, l’autre visage d’Israël
– Je voulais dire bravo à Amira Hass, la journaliste dont vous avez récemment publié l’article paru dans le quotidien israélien Haaretz (J.A. n° 2381). Je la remercie pour son courage, sa franchise et son réalisme. Dieu merci la société israélienne n’a pas exclusivement un visage de guerre, mais aussi celui de la paix et de la sagesse incarnées par Amira Hass, Uri Avnery et bien d’autres pacifistes. Ces derniers sont convaincus qu’Israël est condamné à s’entendre avec tous ses voisins arabes pour vivre pacifiquement avec eux, et que les relations réciproques doivent être fondées sur la justice et non sur la dissuasion. Si Israël, par ses actes de guerre, tient à être considéré par ses voisins comme une force colonisatrice, il doit alors admettre qu’il n’est qu’un État éphémère qui porte en lui les germes de son implosion à long terme.
Habib Sassi, Le Kef, Tunisie

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