Khatami essaie de recoller les morceaux
Un ancien président de la République islamique d’Iran en visite aux États-Unis : le fait est peu banal, inédit même. Mohamed Khatami a entamé, le 31 août, un voyage d’une douzaine de jours à travers le territoire américain, à l’invitation de l’Alliance des civilisations des Nations unies, une fondation pour le dialogue des cultures dont il est un des membres éminents. L’ex-président réformateur s’est vu accorder un visa par le département d’État, qui n’a imposé aucune restriction à ses déplacements. Il arrive en effet que des dirigeants iraniens se rendent à New York pour assister à l’Assemblée générale de l’ONU, mais ils ne sont généralement pas autorisés à quitter un rayon d’une quarantaine de kilomètres autour du siège des Nations unies.
Khatami a fait une intervention remarquée devant le congrès annuel de la Société islamique d’Amérique du Nord, à Chicago. Il devait aussi s’exprimer devant le Conseil des relations américano-islamiques de Washington le 8 septembre, et clôturer son périple, le 10, par un discours à l’université Harvard, dans le Massachusetts. Un temps envisagée, une rencontre à Atlanta avec l’ancien président démocrate Jimmy Carter (1976-1980) n’est plus à l’ordre du jour. Officiellement, pour des raisons d’agenda. Carter était président des États-Unis pendant la prise d’otages, longue de 444 jours, à l’ambassade américaine en Iran, qui lui a coûté sa réélection. Le retentissement politique d’une rencontre aussi symbolique aurait été énorme, et c’est sans doute ce qui a fait reculer l’ex-dirigeant iranien, soucieux de ne pas prêter le flanc aux critiques des ultraconservateurs de son pays, qui l’accusent régulièrement de vouloir brader l’héritage de l’ayatollah Khomeiny, l’instigateur de la prise d’otages à l’origine de la rupture des relations diplomatiques entre les deux États. L’ancien président réformateur n’a pas eu de contacts avec de hauts responsables, mais il a multiplié les entretiens avec la presse. Pesant ses mots, et précisant à ses interlocuteurs que ses propos reflétaient la politique iranienne, il s’est très nettement démarqué de son dogmatique successeur, Mahmoud Ahmadinejad (qui veut « rayer Israël de la carte du monde ») et a expliqué aux journalistes du Financial Times (édition du 5 septembre) que l’Iran n’excluait pas de coexister avec l’État hébreu : « C’est aux Palestiniens de choisir. À partir du moment où ils se seront ralliés, par référendum, à l’idée de deux États vivant côte à côte, et où leurs droits nationaux seront respectés, l’Iran ne verrait aucune objection à cela. »
Mohamed Khatami a aussi insisté sur le fait que c’était le Guide Ali Khamenei, et personne d’autre, qui déterminait les grandes orientations de politique étrangère. Inflexible sur la question du nucléaire – son pays ne renoncera jamais à son droit à l’enrichissement de l’uranium -, il a mis en garde les Américains, au cas où ils seraient tentés de reproduire avec l’Iran l’erreur qu’ils ont commise en Irak : « Les conséquences seraient alors infiniment plus douloureuses »
L’offensive de charme de Khatami en territoire américain – c’est la première fois qu’un haut dignitaire iranien présente des regrets pour l’épisode des otages et se prononce pour l’idée de deux États comme solution au conflit israélo-arabe – constitue un habile coup politique. Et peut améliorer – un peu – l’image de l’Iran auprès des décideurs américains. Mais cela ne change pour l’instant rien au fond du problème. Ahmadinejad, qui a reçu Kofi Annan à Téhéran le 3 septembre, n’a, lui, esquissé aucun début d’ouverture. Pendant la rencontre, qualifiée de « très dure » par un diplomate, le président iranien s’est livré à ses diatribes habituelles contre « l’entité sioniste ». Deux jours plus tard, George W. Bush lui a donné la réplique, en dévoilant la « stratégie nationale antiterroriste ». Déterminé à « empêcher la République islamique de disposer à la fois des armes terroristes et nucléaires », dénonçant « une corrélation potentielle très troublante » entre prolifération et terrorisme, le président américain a érigé l’Iran chiite au rang d’une menace comparable à celle que représentent les extrémistes sunnites d’Oussama Ben Laden. « L’Amérique ne s’inclinera pas devant les tyrans », a-t-il conclu, faisant allusion, avec une rare violence, à son homologue iranien. Des rodomontades qui ne doivent pas faire oublier que la Maison Blanche, dépitée par l’échec de l’offensive de son allié israélien contre le Hezbollah et plus que jamais enlisée dans le bourbier irakien, ne peut pour l’instant pas grand-chose pour contrer les desseins nucléaires de Téhéran.
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