Tunisie : Amen Bank pied au plancher

Le groupe entend profiter de l’entrée de la Société financière internationale dans son capital pour poursuivre sa croissance à marche forcée. Au risque d’une surchauffe ?

Répondant aux inquiétudes des analystes, la banque affirme posséder un taux de créances douteuses inférieur à la moyenne du secteur. © Trevor Snapp/Bloomberg/Getty Images

Répondant aux inquiétudes des analystes, la banque affirme posséder un taux de créances douteuses inférieur à la moyenne du secteur. © Trevor Snapp/Bloomberg/Getty Images

Julien_Clemencot

Publié le 28 février 2013 Lecture : 4 minutes.

« Alhamdoulillah », ont sans doute pensé les actionnaires d’Amen Bank le 24 janvier. « Dieu soit loué. » Attendue depuis des mois, la prise de participation de la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale) dans le groupe bancaire, à hauteur de 10 %, s’est enfin concrétisée. Ne manque plus que l’accord de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour procéder à l’injection de 48 millions de dollars (36 millions d’euros). En contrepartie de cet apport d’argent frais, Amen Bank s’est engagé à prêter 600 millions d’euros aux PME tunisiennes, rouage essentiel de l’économie nationale, au cours des cinq prochaines années.

Dans un marché boursier morose compte tenu de la crise politique qui secoue le pays, le cours de l’action n’a pas profité de cette annonce pour inverser la dégringolade entamée il y a plus d’un semestre. Rien d’inquiétant selon Ahmed El Karm, président du directoire, qui préfère se féliciter du volume des échanges du titre, un des plus dynamiques de la Place de Tunis. Néanmoins, une réunion avec les intermédiaires en Bourse est déjà prévue dès l’arrêt définitif des comptes 2012, afin de rétablir la situation.

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Agressivité

Les données financières provisoires publiées par Amen Bank en janvier laissaient en effet présager un meilleur sort à la cote pour le groupe (le flottant représente 14 % de son capital). Au 31 décembre 2012, il affichait une progression de son produit net bancaire de 26,3 % sur un an (contre 0,4 % en 2011), passant de 171 millions à 216 millions de dinars (de 83 millions à 105 millions d’euros). « Le résultat d’une politique très agressive qui se traduit notamment par une hausse des crédits de 16,1 % [15,6 % en 2011, NDLR], pour atteindre 4,98 milliards de dinars en 2012 », explique Kais Kriaa, du cabinet AlphaMena. Cette performance place Amen Bank devant tous ses concurrents.

D’ailleurs, certains observateurs émettent des doutes sur la soutenabilité de cette stratégie, d’autant qu’Ahmed El Karm n’entend pas lever le pied en 2013. La preuve ? Si ses concurrents Attijari Bank ou Banque internationale arabe de Tunisie (Biat) affichent une couverture d’encours de crédits par les dépôts supérieure à 110 % (c’est-à-dire que pour 100 dinars de crédits accordés, 110 dinars de dépôts sont collectés), Amen Bank plafonne à 88 %, soit près de dix points sous la moyenne du secteur. Selon Rym Gargouri Ben Hamadou, analyste chez Tunisie Valeurs, une telle croissance des crédits va inévitablement se traduire par une dégradation de la qualité des actifs détenus par la banque.

Cliquez sur l'image.#000000; float: right;" />Vigilance

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« Nous sommes bien sûr très vigilants, toute augmentation des engagements étant porteuse de risque. Mais ce qui compte, c’est la capacité à l’évaluer et, le cas échéant, à recouvrir les impayés. Et nous avons développé dans ce domaine un véritable savoir-faire. Nous ne sommes jamais les derniers quand il s’agit de récupérer notre dû », assure Ahmed El Karm, qui revendique en outre une gestion conforme aux normes en vigueur. Ainsi, Amen Bank affirme posséder un taux de créances douteuses de 8,5 % – quand la BCT réclame que celles-ci ne dépassent pas 10 % -, couvertes par des provisions à hauteur de 73 % – alors que le plancher a été fixé à 70 %.

Reste que, pour les dépenses courantes, provisionnées depuis 2011 étant donné la dégradation de la santé des entreprises du pays, d’autres établissements comme la Banque de Tunisie sont bien plus prudents, avec une provision de 1 %, contre environ 0,4 % pour Amen Bank, estime Rym Gargouri Ben Hamadou. Si, selon Ahmed El Karm, la réussite financière d’Amen Bank ne s’appuie en aucun cas sur une propension à minimiser les risques, l’établissement entend toutefois renforcer sa capacité à les appréhender en mettant au point, en partenariat avec la SFI, un système de notation des entreprises tunisiennes.

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Extension

« Notre atout est notre faculté à mobiliser des ressources extérieures [740 millions de dinars en 2012], explique le patron. Nous sommes le principal bénéficiaire des lignes de crédit des bailleurs comme la Banque mondiale ou la Banque européenne d’investissement en Tunisie. Nous avons développé une approche qui nous permet de faire très vite le lien entre les projets et les financements disponibles. Ainsi, nous collons au plus près au programme de développement du pays. » Un positionnement renforcé par l’arrivée de la SFI dans son capital. « Ces crédits nous permettent de prêter des fonds sur le long terme, ce qui manque en Tunisie », affirme Ahmed El Karm.

En parallèle, le groupe entend également poursuivre l’extension de son réseau, pour passer de 136 à 150 agences dans les deux ans, notamment dans l’intérieur du pays. Des prévisions qui restent cependant très dépendantes de l’évolution de la situation sécuritaire. Ce qui paraît encore plus hypothétique, c’est la réalisation des ambitions internationales annoncées par Amen Bank. Bien que le groupe assure avoir les moyens grâce à un rendement de 20 % de ses fonds propres, il est probable qu’il cherche d’abord à conforter sa place en Tunisie. « Si une banque française comme Société générale ou BNP Paribas souhaitait se retirer, nous examinerions attentivement cette opportunité », reconnaît Ahmed El Karm.

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