Dieu vous le rendra

Publié le 10 septembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Un article paru récemment dans le New York Times sur les mendiants dakarois m’a rendue dubitative. À en croire celui-ci, les Sénégalais commenceraient à ressentir un profond ras-le-bol devant la sébile d’un aveugle ou le moignon d’un lépreux. Les sollicitations incessantes, le désordre social (circulation bloquée par les hordes de nécessiteux qui slaloment entre les voitures), les mutilations exhibées comme des trophées de guerre, les prières psalmodiées avec une ferveur mécanique, tout ça leur serait devenu insupportable. Aussi sont-ils de plus en plus nombreux à soutenir l’action de la police. Cette dernière voudrait les chasser hors de la capitale, comme jadis le joueur de flûte de Hamelin emmenant sa horde de rats loin de la ville.

Oui mais, Dakar sans sa cour des miracles ambulante sera-t-elle toujours Dakar ? Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours vu des miséreux élire domicile au coin des artères de la capitale. Et les années passant, au lieu de décroître, leur nombre s’est multiplié par dix. Pourquoi une telle invasion ? Parce que les gueux des pays voisins, attirés par la légendaire générosité des Sénégalais, sont venus s’installer dans ce qu’ils considèrent comme un pays de Cocagne.
Car il faut dire qu’en matière d’aumône les croyants ont la main leste, eux qui croient dur comme fer à cette culture de la charité ! Ne dit-on pas : « Donne, Dieu te le rendra au centuple » ? Chez qui le bon musulman se débarrassera-t-il de sa menue monnaie comme le lui recommande régulièrement son « serigne » ou marabout si on élimine les mendiants du paysage ?

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Autre problème : jusqu’à preuve du contraire, cette situation arrangeait tout le monde. Le sollicité comme le solliciteur. Ce dernier prenant, selon les occasions, la sébile du premier pour un marchepied vers le paradis. Ou une absolution. Les péchés de la ville entière se déversaient dans les sébiles sous formes d’espèces sonnantes et trébuchantes Il suffisait au mari violent de jeter quelques pièces dans le pot en fer-blanc d’un infirme pour se sentir absous d’avoir battu sa femme. Finalement, qui de l’indigent ou de celui qui fait l’aumône est le plus dans la nécessité ? La sébile salvatrice s’apparentant au confessionnal ou au cierge à brûler (inexistants dans la religion musulmane), où le pécheur se tournera-t-il si on lui enlève son mendiant ?
Aussi, bien que je sois moi-même agacée par ces troupes de miséreux, je reste partagée face aux mesures qui pourraient être prises pour faire de Dakar une ville nette.
La religion, c’est l’opium du peuple, disait Karl Marx. Dans ce cas, qu’on lui laisse aussi ses délires

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