Quel choc des civilisations ?
Il est 18 heures GMT, ce dimanche 3 août. À Asilah, l’ambiance est douce et les plages sont bondées. Une foule bigarrée d’estivants marocains et de touristes occidentaux déambulent dans les ruelles de la médina, entre les vieilles maisons blanches ornées de fresques et les remparts rouges, qui, jadis, protégeaient la petite ville atlantique des conquérants étrangers.
Pourtant, dans la grande salle de la bibliothèque Bandar-Ben-Sultan, qui accueille la séance d’ouverture du 30e Forum culturel international, le ton des débats est fiévreux. S’adressant aux participants au premier colloque de la rencontre (qui a pour thème « L’alliance des civilisations dans l’espace arabo-africano-ibéro-latino-américain ») par la voix de Mohamed Moatassim, son conseiller, Mohammed VI s’en prend sans ménagement aux tenants de la thèse – « factice », dit-il – du choc des civilisations. Pour lui, « il n’est de choc qu’entre les ignorances ». À l’inverse, « les civilisations sont par essence interactives et s’influencent mutuellement pour le bien de l’humanité tout entière ».
José Luis Rodríguez Zapatero, le chef du gouvernement espagnol, représenté par Miguel Angel Moratinos, son ministre des Affaires étrangères, abonde dans le même sens. Louant l’initiative turco-espagnole, reprise à son compte par l’ONU, visant à promouvoir l’alliance des civilisations, il s’irrite qu’on puisse postuler « une quelconque impossibilité de coexistence » entre les adeptes de certaines religions, et qu’on ramène le fossé actuel entre les cultures à des enjeux politiques. Et nullement idéologiques.
Ancien ministre de la Culture de François Mitterrand, le Français Jack Lang se montre encore plus explicite en dénonçant l’administration américaine sortante, dont « l’impérialisme » a selon lui « plongé le monde dans le chaos et l’insécurité » et « attisé les fanatismes et l’intolérance ».
Maire d’Asilah et ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa, qui préside aux destinées de ce forum (« combinaison d’Avignon et de Davos ») depuis sa création, en 1978, se félicite qu’il soit à l’origine d’une renaissance de ce vieux port carthaginois successivement conquis par les Romains, les Portugais et les Espagnols. « Le festival favorise un dialogue fluide entre le Nord et le Sud », se réjouit-il.
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