Maroc : les aciéristes dans le rouge
Le royaume n’échappe pas aux difficultés rencontrées par la sidérurgie au niveau mondial. Sonasid s’effondre à la Bourse de Casablanca, tandis que Maghreb Steel a évité de peu la cessation de paiements.
Depuis 2008 et la chute brutale du cours de l’acier, la sidérurgie marocaine souffre. Ces derniers temps, le secteur doit en outre faire face à la forte concurrence européenne et turque ainsi qu’à la faiblesse des programmes d’investissements au Maroc. « La baisse des investissements et le contexte concurrentiel exacerbé par les surplus européens pèsent sur la sidérurgie marocaine », observe Zineb Tazi, analyste chez BMCE Capital.
De fait, les difficultés budgétaires du Maroc (avec un déficit d’environ 6 % du PIB en 2012) affectent directement les investissements dans le bâtiment et les infrastructures, secteurs qui utilisent beaucoup d’acier. « Le marché du BTP a reflué fin 2012, et sa contribution à la croissance du PIB a été négative sur les six derniers mois de l’année, relève Zineb Tazi. Cela s’explique par le ralentissement des chantiers en raison d’une forte pluviométrie et de l’Aïd el-Kébir, et plus généralement par l’atonie économique. »
En Europe, la chute de la consommation d’acier en raison de la crise a entraîné une surproduction, malgré un faible taux d’utilisation des capacités productives. « Nous subissons une concurrence sévère des groupes européens. Ils écoulent la bobine à chaud à 425 euros au Maroc, contre 500 euros chez eux. C’est clairement du dumping, car ils vendent à perte à l’export », déplore Fadel Sekkat, PDG de Maghreb Steel, numéro un local dans la fabrication d’acier plat. « Les sociétés espagnoles qui doivent produire pour leur survie vendent l’acier à des prix très bas », confirme un consultant.
Fin novembre 2012, Fadel Sekkat a même demandé au département du commerce extérieur l’ouverture d’une enquête antidumping sur les importations d’acier en provenance de l’Union européenne et de Turquie. Les investigations doivent durer un an minimum. « Le gouvernement a ouvert une enquête mais, cela dit, les prix de l’acier dépendent des cours mondiaux », tempère Abdelhamid Souiri, président de la Fédération des industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques (Fimme). Et d’ajouter : « Nous craignons évidemment pour les emplois sidérurgiques [entre 5 000 et 6 000, NDLR]. Mais nous espérons surtout que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour sauvegarder le secteur. » Pour l’heure, l’État a déjà mis en place une déclaration préalable à l’importation pour les tôles d’acier laminé, en attendant d’imposer éventuellement des lois antidumping en fonction des résultats de l’enquête.
Le secteur doit faire face à la concurrence européenne et turque, en surproduction
Inutile de chercher bien loin pour illustrer les difficultés de la sidérurgie marocaine. À la Bourse de Casablanca, le cours de l’action Sonasid (Société nationale de sidérurgie, leader national dans la production de ronds à béton utilisés dans le bâtiment) a été divisé par 3,5 en un an. De son côté, Maghreb Steel a failli rater ses échéances de remboursements de dettes bancaires fin 2012. Le groupe privé enchaîne les pertes depuis quatre ans (25 millions d’euros entre 2009 et 2011, les résultats de 2012 n’étant pas encore connus), et un retour au bénéfice n’est pas attendu tout de suite : l’amortissement de l’usine de Mohammedia, inaugurée en avril 2012 et qui a coûté 500 millions d’euros, nécessite du temps, sans oublier la concurrence étrangère.
Urgence
Pour éviter la cessation de paiements, Fadel Sekkat a été contraint de négocier en urgence un allongement de crédit et une nouvelle souscription de billets de trésorerie avec les grandes banques de Casablanca. Maghreb Steel a par ailleurs procédé à une augmentation de capital de 600 millions de dirhams (environ 53 millions d’euros) : « Elle a été effectuée fin 2012 et souscrite par les actionnaires historiques. La moitié de cette somme a été débloquée en décembre 2012, 60 millions de dirhams ont été libérés au mois de janvier et le reste va intervenir prochainement », explique Fadel Sekkat.
Pour Sonasid, les perspectives ne sont guère meilleures. Les résultats financiers de l’exercice 2012 doivent légalement être publiés d’ici à fin mars, mais aucune date n’a encore été annoncée. Les mauvais chiffres du premier semestre 2012 (avec une perte d’environ 966 000 euros) et la petite santé de la construction au Maroc laissent présager de piètres performances.
En 2013, le dynamisme du BTP dépendra de la construction de logements. La catégorie haut de gamme est en baisse, tandis que le logement social reste dynamique sur l’axe Rabat-Casablanca, tout en s’essoufflant dans le reste du pays. Encore une fois, ce sont les programmes d’investissement du gouvernement qui détermineront les perspectives du BTP et, par ricochet, celles du secteur sidérurgique. Fadel Sekkat reste toutefois optimiste : « Nous sommes très confiants pour l’avenir, nous avons une quarantaine d’années d’expérience dans la sidérurgie. Nous allons surmonter les difficultés actuelles. »
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