Zambie – RD Congo : frères ennemis du cuivre
Alors que le cours du minerai rouge connaît une forte hausse, le Katanga et la Zambie sont en concurrence pour attirer les investisseurs. Mais en matière d’infrastructures, les deux sont forcés de s’entendre.
La ceinture de cuivre, qui court le long de la frontière entre la RD Congo et la Zambie, fait toujours rêver les miniers. « Actuellement, entre 5 % et 10 % de la production mondiale provient de cette zone, estime le géologue belge Thierry De Putter. Mais, surtout côté congolais, où les gisements seraient plus épais qu’en Zambie, les réserves sont encore gigantesques, même si elles sont mal connues faute d’une exploration appropriée. »
Ces derniers mois, les gisements de la « copper belt » sont regardés avec plus d’attention. Et pour cause : le cours du cuivre est en forte hausse depuis novembre 2012, atteignant 8 220 dollars la tonne le 13 février (soit 6 126 euros). Un niveau proche de la « belle époque » de 2006-2008, avant la crise économique. La conjoncture étant porteuse pour le minerai rouge – l’industrie chinoise est insatiable -, Zambie et RD Congo savent qu’elles ont chacune une carte à jouer… et sont plus que jamais en concurrence pour attirer les projets cuprifères.
Les deux pays présentent aujourd’hui des situations minières contrastées. En 2012, la Zambie a fièrement affiché une production de 824 976 tonnes de cuivre, un niveau stable depuis trois ans. D’ici à 2015, le pays ambitionne de franchir la barre des 1,5 million de tonnes. Du côté congolais, en dépit d’un potentiel plus important, la production n’a atteint que 620 000 tonnes en 2012. Malgré une progression notable – le pays n’extrayait que 190 000 tonnes en 2002 -, la région reste encore à la traîne face à son voisin zambien. La Générale des carrières et des mines (Gécamines, compagnie nationale) sortait plus de 450 000 tonnes dans les années 1980… contre 35 000 aujourd’hui.
« D’un point de vue géologique, le Katanga est plus attractif que la Zambie, note Thierry De Putter. Son minerai contient, en plus du cuivre, énormément de cobalt. La province détient ainsi 45 % des réserves mondiales de ce composant chimique très demandé [pour les alliages et la fabrication de batteries, NDLR]. » Malgré ce potentiel, le Katanga séduit pourtant moins les investisseurs que son voisin du Sud. En cause, l’attitude des autorités vis-à-vis des groupes miniers, une réglementation changeante et des problèmes d’infrastructures.
Stabilité
Du 4 au 7 février, Kinshasa et Lusaka étaient à la manoeuvre pour séduire les opérateurs à Mining Indaba, la conférence annuelle phare du secteur, au Cap (Afrique du Sud). Le ministre zambien des Mines, Wylbur Simuusa, s’est fait fort de rappeler la stabilité de son pays. « Nous sommes dans l’industrie minière depuis plus d’un siècle. Nous avons changé cinq fois de président, trois partis différents se sont succédé au pouvoir sans que cela ait perturbé la bonne marche du secteur », a-t-il affirmé devant un parterre de cadres anglo-saxons. Même si cet optimisme est exagéré au vu des tensions sociales à l’oeuvre dans les mines zambiennes, force est de constater que Lusaka offre une meilleure image que Lubumbashi, la capitale du Katanga, auprès des investisseurs.
John Kanyoni, vice-président de la Chambre des mines de RD Congo : « Dans le Nord-Kivu, l’activité est à l’arrêt »
Les patrons de l’est du pays affirment s’organiser pour lutter contre les minerais de la guerre qui alimentent les rébellions armées.
Patron de Metachem (qui traite et exporte de l’étain) et ancien député du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), John Kanyoni représente les producteurs et exportateurs congolais de tantale, de tungstène et d’étain. Installés dans l’Est, ces patrons ont été critiqués pour leurs liens supposés avec les groupes armés qui ont fait du sous-sol leur source de financement.
« En matière de gouvernance, la Zambie est plus habile, Kinshasa ayant procédé à plusieurs changements réglementaires drastiques », estime un responsable d’exploitation sud-africain opérant des deux côtés de la frontière. « Le problème de la RD Congo ne réside pas dans sa réglementation, qui n’est pas si mauvaise, mais surtout dans un harcèlement bureaucratique systématique », confie le vice-président congolais d’un grand complexe minier katangais.
Le projet de révision du code minier congolais, pas encore bien précis mais confirmé à Mining Indaba par la ministre du Portefeuille, Louise Munga Mesozi, attise aussi les rumeurs. « On parle d’une part de 35 % d’actions gratuites de l’État au sein des futurs projets miniers [contre 15 % actuellement]. Si elle est confirmée, cette mesure va faire fuir ceux qui envisageaient de venir », estime l’avocat Marcel Malengo, basé à Kinshasa.
Coopération
Autre handicap majeur du Katanga, la disponibilité en électricité, vitale pour l’industrie. « Nous estimons à 15 % le manque à produire lié à l’insuffisance énergétique. Et avec le développement de nos opérations, nous aurons besoin de 100 MW supplémentaires dans les deux ans », indique James Bethel, directeur général de la filière cuivre d’Eurasian Natural Resources Corporation (ENRC). Pour cette raison, ENRC a préféré installer côté zambien une usine de traitement qui aurait pu trouver sa place en RD Congo. Quant à sa mine Frontier, située au Katanga, elle est approvisionnée en électricité… par la Zambie.
Pour l’instant, Lusaka offre une meilleure image.
Car malgré leurs rivalités, s’il est un domaine où Zambie et Katanga coopèrent, c’est bien celui des infrastructures. « Grâce à la Zambie, le Katanga bénéficiera d’ici à 2016 de plus de 300 MW d’électricité complémentaires à la production nationale, se félicite Albert Yuma Mulimbi, président de la Gécamines. Et dans le domaine des transports, la circulation des minerais se fait sans souci entre les deux pays. Le cuivre congolais passe majoritairement par la Zambie pour rejoindre le port de Dar es-Salaam, en Tanzanie, en attendant qu’il soit acheminé par voie ferrée dans l’autre sens, vers l’Atlantique, jusqu’au port angolais de Benguela, dont la rénovation est à l’ordre du jour. »
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