Culture

Publié le 10 août 2008 Lecture : 6 minutes.

L’absence de peintres et de sculpteurs dans cette sélection ne doit pas faire injure au talent des artistes plasticiens algériens, qui souffrent d’un cruel manque d’espaces d’expression artistique, et notamment de galeries d’art, dans le pays. De même, comédiens et cinéastes n’y sont présents que de façon très limitée, ce qui reflète la pauvreté de la production cinématographique et audiovisuelle nationale. En revanche, quatre chanteuses et chanteurs figurent dans notre panel, témoignant du foisonnement de la créativité musicale algérienne. Pour les écrivains, nous avons délibérément fait le choix de nous limiter aux auteurs francophones.

Lotfi Double Kanon
34 ans, Rappeur et producteur

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Slameur de génie, mi-imprécateur mi-prédicateur, ce géologue de profession, originaire d’Annaba, est sans doute le meilleur observateur de la société algérienne et de ses évolutions. Ses textes racontent les problèmes quotidiens des jeunes, le foisonnement de la vie urbaine et la solitude des milieux ruraux. Ils fustigent autant le pouvoir que les maquisards, les laïcs que les intégristes, les corrompus que les corrupteurs. Prolifique (il a sorti plus de dix albums en dix ans), père de la « Lotfilosophie », Lotfi est le seul rappeur qui s’écoute en famille. Ses colères sont saines et son enthousiasme, contagieux. Très rarement présent sur les plateaux de télévision, il peut se permettre de les éviter grâce à la gouaille de ses textes et, tout simplement, à son talent, qui assurent, à eux seuls, la promotion de ses productions.

Selma Hellal et Sofiane Hadjadj
34 et 38 ans, Éditeurs

Elle est titulaire d’un DEA obtenu à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, il est architecte. Amoureux des livres, unis dans le travail comme dans la vie, ils ont décidé de créer, en avril 2000, une maison d’édition baptisée Barzakh, un terme qui désigne le lieu de séjour des âmes, entre la mort et la résurrection, dans l’islam. Dès le départ, Selma et Sofiane ont choisi de faire confiance à de jeunes auteurs arabophones ou francophones peu connus sur la scène littéraire. Huit ans plus tard, leur maison possède un catalogue d’une soixantaine de titres, reçoit une cinquantaine de manuscrits par mois et édite dix ouvrages par an.

Yasmina Khadra
53 ans, écrivain et directeur du Centre culturel algérien à Paris

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Sa nomination, en novembre 2007, à la direction du Centre culturel algérien à Paris a surpris ses amis et ses lecteurs, qui lui reprochent d’avoir vendu son âme. Quelques mois auparavant, Yasmina Khadra avait pourtant signé dans le quotidien espagnol El País une violente tribune contre le pouvoir algérien. Khadra, Mohammed Moulessehoul de son vrai nom, se défend d’être un opportuniste et revendique un statut d’homme libre, tant dans ses idées que dans ses engagements. Auteur d’une remarquable trilogie sur la violence islamiste (Les Hirondelles de Kaboul, les Sirènes de Bagdad, L’Attentat), cet ancien officier de l’armée fait partie des meilleurs écrivains de sa génération. Ce que le jour doit à la nuit, son nouveau roman, sort ce 21 août chez Julliard.

Biyouna
55 ans, comédienne, chanteuse et danseuse

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Depuis qu’ils l’ont découverte en 1973 dans le rôle de Fatma, une jeune mégère à la langue de vipère, dans le célèbre feuilleton télévisé El Hariq (« le feu ») tiré du roman La Grande Maison de l’écrivain Mohamed Dib, ses compatriotes se sont pris d’une indéfectible affection pour elle.
Algéroise de cur, femme libre, personnage exubérant à la voix rauque, que l’on dirait burinée à la cigarette et au whisky, Biyouna – Baya Bouzar de son vrai nom – est immensément populaire dans son pays. Après avoir joué dans plusieurs films et feuilletons télévisés, interprété, au théâtre, comédies et tragédies, elle a chanté dans des cabarets de la côte algéroise et de la corniche oranaise.
Biyouna a accédé à la reconnaissance internationale en 2000 lorsqu’elle a tourné sous la direction de Nadir Moknèche dans Le Harem de Mme Osmane.
Comme un bonheur ne vient jamais seul, sa nouvelle notoriété lui a permis de rapidement faire découvrir ses talents de chanteuse. Ses deux derniers albums, Raid Zone et Une blonde à la Casbah, lui ont valu les éloges de la critique française, et des invitations dans de prestigieuses émissions télévisées.

Nadir Moknèche
43 ans, réalisateur

Il lui aura suffi de signer une trilogie (Le Harem de Mme Osmane en 2000, Viva Laldgérie en 2003 et Délice Paloma en 2006) en six ans pour que ce fils d’émigré, au départ simple peintre en bâtiment, devienne un réalisateur « bankable ». Dans une Algérie où la production cinématographique est anémique (une moyenne de cinq longs-métrages par an), Nadir Moknèche passe pour un cinéaste prolifique. Des deux côtés de la Méditerranée, les critiques sont conquis par son style, à tel point que certains n’hésitent pas à en faire une sorte de Pedro Almodóvar algérien pour sa propension à s’appuyer sur le parcours de femmes exceptionnelles en vue de montrer la société de son pays, en pleine mutation.

Boualem Sansal
59 ans, écrivain

Accorder une longue interview au Nouvel Observateur, faire la une du supplément littéraire du Monde, obtenir une critique élogieuse de Marianne : la performance est rare pour un écrivain algérien. C’est pourtant à tout cela que Boualem Sansal a eu droit lors de la sortie de son cinquième roman, Le Village de l’Allemand, d’ores et déjà considéré comme l’un des événements de l’année littéraire française. Enseignant à l’université, chef d’entreprise, ex-haut fonctionnaire au ministère de l’Industrie, Sansal est aussi un intellectuel engagé. Parce qu’il s’attaque à la politique de réconciliation nationale d’Abdelaziz Bouteflika, mais aussi au FLN et aux islamistes, son pamphlet Poste restante : Alger, publié en France en 2006, n’est pas diffusé en Algérie. Sauf sous le manteau

Souad Massi
35 ans, chanteuse

Quand les jeunes de sa génération ne vibraient qu’aux mélopées raï et aux « espagnolades » électroniques de Khaled et de Cheb Mami, Souad Massi se passionnait, elle, pour une musique beaucoup plus acoustique : le folk, la country, le fado portugais ou la morna cap-verdienne. Son parcours artistique débute un soir de 1999. Elle se produit sur la scène du Cabaret sauvage à Paris. Conquis par sa voix, un éditeur la convainc de signer pour une major : Island Mercury. Trois albums (Raoui, Deb et Mesk Ellil), des centaines de concerts et une Victoire de la musique (2006) plus tard, Souad Massi est devenue une star qui remplit l’Olympia. Issue d’une famille de mélomanes kabyle, cette ingénieure en urbanisme, mariée à un Marocain et mère d’une petite fille, est aujourd’hui célébrée sur les scènes des cinq continents.

Amazigh Kateb
35 ans, chanteur

« Ah ! Je voudrais être un fauteuil dans un salon de coiffure pour dames. Pour que les fesses de ces belles âmes s’écrasent contre mon orgueil » Sans cesse fredonné en Algérie, au Maroc, en Tunisie ou en France, ce refrain audacieux est signé Amazigh Kateb, chanteur et fondateur du groupe grenoblois Gnawa Diffusion. Cet écorché vif, fan inconditionnel de Bob Marley, a de qui tenir. Son père, dont il a, semble-t-il, hérité le don du verbe, l’amour de la scène et le goût de l’engagement politique, n’est autre que le célèbre écrivain algérien Kateb Yacine, auteur du roman Nedjma.
Marionnettiste, homme de théâtre, chanteur, parolier, Amazigh (« homme libre », en berbère) n’a pas encore 20 ans lorsqu’il fonde, en 1992, en compagnie de musiciens algériens, français et marocains, la troupe Gnawa Diffusion avant de sillonner l’Europe et l’Afrique pour faire découvrir ce genre musical emprunté aux griots mandingues. Artiste engagé aux faux airs de Manu Chao (l’ex-chanteur de la Mano Negra), il se réclame ouvertement d’extrême gauche et n’hésite pas à exprimer son avis sur le fondamentalisme, la voracité des puissants, l’altermondialisme et l’immigration choisie si chère à Nicolas Sarkozy.

Beheidja Rahal
46 ans, cantatrice

L’andalou est ce genre musical né dans les palais de Cordoue et de Séville quand l’Espagne était dominée par les Arabes, avant la chute de Grenade au XVe siècle. Musique savante, elle se décline en une vingtaine de noubas composées par Ziryab. Plusieurs écoles se disputent l’héritage musical de ce Perse exilé en Andalousie. Celle que privilégie Beheidja Rahal, l’une des divas de la musique classique algérienne, est la sanaâ, issue du centre de l’Algérie. Cette belle brune à la voix exceptionnelle, qui s’accompagne d’une kwitra – un instrument à cordes, à mi-chemin entre le luth et la mandoline, qu’elle maîtrise depuis l’âge de 12 ans -, fut la disciple des grands maîtres du genre, Mohamed Khaznadji et Abderrezzak Fakhardji. Après avoir fait ses gammes au sein de deux des plus prestigieuses écoles de musique arabo-andalouses, Fakhardjia et Soundoussia, elle se produit sur les plus grandes scènes d’Europe et du monde arabe.

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