Traquer l’impunité

Priorité numéro un des autorités, la lutte contre la corruption obtient des résultats significatifs. Mais la tâche est immense.

Publié le 10 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Des années durant, le Nigeria a été le champion mondial de la corruption. Entre 1980 et 2000, le pays a reçu un total de 3,5 milliards de dollars d’aide internationale. Le régime de Sani Abacha, décédé en 1998, est accusé d’avoir détourné la même somme en cinq ans, à quelques centaines de millions près… À peine élu, en 1999, Olusegun Obasanjo a fait de la lutte contre la corruption l’une des grandes priorités de son action. Il s’est rapproché de Transparency International et s’est impliqué dans l’initiative d’« évaluation par les pairs », qui invite les dirigeants africains à jauger mutuellement leurs efforts en faveur de la démocratie et de la bonne gouvernance. Malgré tout, force est de constater que les résultats obtenus durant le premier mandat d’Obasanjo sont mitigés. « Il voulait un second mandat et pensait que les corrupteurs feraient en sorte qu’il ne soit pas élu s’il leur faisait trop la guerre », explique Jibirin Ibrahim, politologue et directeur de Global Rights, une ONG nigériane de soutien à la démocratie.
À deux ans du terme de son second mandat, il apparaît cependant que les efforts d’Obansajo contre la corruption commencent à porter leurs fruits. Le ministre de l’Éducation, qui soudoyait des députés, est en prison. Le ministre du Logement, qui revendait pour son propre compte des terrains de l’État, a dû démissionner. Et le patron de la police, accusé de blanchiment d’argent, a été limogé. Oby Ezekwesili, l’une des conseillères du président, observe que le gouvernement a pu économiser 1,3 milliard de dollars en exigeant que tous les appels d’offres publics soient traités dans la transparence. Mais la liste de ce qui reste à faire est bien plus longue que celle de ce qui a déjà été fait. Il faudrait, notamment, supprimer l’impunité constitutionnelle qui protège nombre de hauts fonctionnaires. À défaut, corrompus et corrupteurs risquent de se manifester longtemps encore. Sur ce point, l’histoire de Dora Nkem Akunyili est édifiante.
En 2001, quand elle a pris la tête de la National Agency for Food and Drug Administration (Nafda) pour lutter contre le trafic de médicaments, un véritable sport national, elle a d’abord dû faire le ménage. Près des quatre cinquièmes de ses collaborateurs étaient directement impliqués dans ce commerce illicite. Deux remèdes sur trois vendus dans le pays étaient des faux, dont certains se sont révélés dangereux pour la santé.
Pendant des mois, Dora Nkem Akunyili a défié les importateurs, les revendeurs et même plusieurs commis de l’État. Ses équipes sont intervenues dans les ports et les aéroports, sur les marchés et jusque dans les usines clandestines, pour saisir des quantités impressionnantes de ces fausses spécialités pharmaceutiques, qui étaient ensuite brûlées en public lors de grands rassemblements. Le travail a porté ses fruits : la proportion de faux médicaments est revenue à un sur huit, et les grands laboratoires pharmaceutiques ont repris leurs livraisons dans le pays.
Officiellement louée pour son action, Dora Nkem Akunyili doit, en privé, faire face à des représailles. En décembre 2003, elle a été attaquée par des hommes armés alors qu’elle se déplaçait en voiture. Une balle a éraflé sa tempe, et une autre a tué un chauffeur de bus. Un jour, son fils de 13 ans lui a demandé de ne plus venir le chercher à l’école. Il ne voulait pas que l’on sache qu’elle était sa maman. Non qu’il en ait honte, mais il craignait que les ennemis de sa mère le retrouvent, lui, et le prennent en otage, ou pire. « Cela m’a fait beaucoup de peine, observe-t-elle. Il disait à tout le monde que j’étais sa tante. Il avait très peur. » Au Nigeria, la corruption reste une menace pour toute la population. Y compris pour les enfants.

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