Les risques du business

Publié le 10 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Il faut l’avouer, faire du business au Nigeria n’est pas une partie de plaisir. Tout y est, à bien des égards, beaucoup plus compliqué qu’ailleurs et demande de la patience, une connaissance très précise du terrain ainsi que de ses acteurs. Le parcours du combattant commence généralement à l’ambassade pour l’obtention du visa. Sans lettre d’invitation de votre partenaire commercial – et celle-ci devra mentionner votre prise en charge selon un modèle qui doit être respecté à la virgule près -, le fonctionnaire consulaire vous renverra sans aucune courtoisie dans vos quartiers. Méfiez-vous alors des propositions d’aide de personnes ou d’entreprises inconnues. Tristement célèbre pour ses arnaques, le pays compte un nombre exceptionnellement élevé d’aigrefins, à l’ingéniosité sans limites, qui n’attendent qu’une chose : détrousser les hommes d’affaires ou les particuliers imprudents. Les différents services économiques étrangers recommandent de bien se renseigner et d’utiliser des prestataires de services reconnus. Pour tout paiement, il est préférable d’employer des moyens sécurisés, comme les lettres de crédit confirmées par des banques européennes.

Avant de vous lancer, étudiez bien votre marché. Membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis 1995, le Nigeria n’en pratique pas moins un fort protectionnisme : la liste de produits interdits à l’importation n’a cessé de s’allonger au fil des interventions de la Manufacturing Association of Nigeria (MAN), le lobby des intérêts industriels. « Un véritable inventaire à la Prévert, commente la Mission économique française d’Abuja, allant des cure-dents à la farine de blé en passant par la viande de boeuf, les serpentins à moustiques et les lessives. » L’implantation d’une filiale dans le pays pose également des problèmes de sécurité des biens et des personnes qui ne peuvent être pris à la légère, particulièrement à Lagos, la métropole économique, et dans la zone du delta du Niger.
« Le Nigeria n’est pas un pays comme les autres. Il faut bien connaître l’histoire du pays et son fonctionnement social pour en apprivoiser les rouages commerciaux », explique Alexandre Fabre, directeur associé d’Adexen, un cabinet de conseil français qui aide les entreprises à identifier les projets viables, à trouver des partenaires fiables ou encore à sélectionner le bon réseau de distribution. « Ce marché est encore sous-exploité avec ses 125 millions de consommateurs et les marges commerciales y sont très importantes », ajoute Fabre, qui a travaillé plusieurs années au Nigeria.
Les pouvoirs publics mènent actuellement une ambitieuse politique de réformes, la Stratégie nationale de maîtrise et de développement économiques (Needs, en anglais), qui vise notamment à accélérer le programme de privatisations. De nombreuses opportunités sont à saisir dans les domaines portuaire et aéroportuaire, dans les secteurs de la distribution, des télécommunications, de l’agriculture et des agro-industries, du pétrole et du gaz, de l’eau et de l’électricité. Élément nouveau, l’État multiplie les gestes de bonne volonté pour faciliter le travail des opérateurs économiques et lutter contre la corruption. Dans le domaine bancaire, les autorités ont annoncé une « tolérance zéro » vis-à-vis des procédures comptables. La Banque centrale du Nigeria (BCN) a renforcé ses règles prudentielles depuis 2001 et a durci son contrôle en révoquant notamment la Savannah Bank of Nigeria et la Peak Merchant Bank. Elle a également sanctionné une vingtaine d’établissements pour infraction à la législation des changes. La menace d’un retrait de licence plane dorénavant sur les opérateurs… En matière d’agriculture, l’heure est au développement de la production locale et à la transformation sur place pour réduire la facture alimentaire extérieure. Les autorités ont créé un fonds agricole pour promouvoir les initiatives privées.

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Reste encore beaucoup de travail pour améliorer l’environnement juridique et économique et faire évoluer les mentalités. Notamment pour mener à bien la réforme de l’administration des douanes, véritable goulet d’étranglement pour les activités. Malgré les premiers efforts consentis, les opérateurs font toujours face à des délais de dédouanement longs et variables (de huit jours à un mois), d’un point d’entrée à l’autre du territoire. Véritable « État dans l’État », cette administration mettra du temps à se professionnaliser. Dans cette perspective, il conviendrait de mettre un terme à l’application discrétionnaire des textes et aux pratiques frauduleuses persistantes. n

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