Kadhafi dixit…

Publié le 10 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

A la différence de la plupart de ses pairs, le leader libyen n’est pas du genre à se faire écrire ses discours par des scribes exercés à cette pénible tâche. Car Kadhafi ne se considère pas comme un « vulgaire » chef d’État. Il se prend, lui, pour un « Guide », une sorte de sage et de philosophe, sinon un oracle, qui montre la voie. Aussi préfère-t-il improviser et donner libre cours à sa pensée, méandreuse et toute en pirouettes.
Ses maîtres en la matière, ce sont les sophistes grecs – qu’il n’a peut-être jamais lus -, capables de défendre l’idée la plus saugrenue et son exact contraire sans ciller, tout en se donnant la contenance de gens qui en savent un peu plus que tous les autres.
Le « Berger de Syrte », titre de l’un des ouvrages hagiographiques qui lui ont été consacrés, est donc, à sa manière – de pâtre du désert -, un sophiste, doublé d’un « inspiré », dans tous les sens du terme.
Le discours qu’il a prononcé à l’ouverture du Sommet de l’Union africaine à Syrte, est, à cet égard, un morceau d’anthologie. Tout y est : les logiques fallacieuses, les raisonnements oiseux, les lapalissades, la désinformation, voire les mensonges gras. Florilège…

Aide = charité = humiliation
« Il y a aujourd’hui des tentatives et des propositions pour aider l’Afrique. Nous sommes reconnaissants. Mais, lorsque ceux qui les font conditionnent leur aide par des clauses humiliantes, nous ne pouvons que refuser l’humiliation. Lorsque vous voulez aider quelqu’un, donnez-lui tout ce que vous voulez. Mais lorsqu’un mendiant que vous croisez dans la rue vous demande la charité, vous n’allez pas lui demander sa religion et, s’il est bouddhiste, exiger qu’il se convertisse à l’islam. Sa croyance ne vous concerne pas. Si vous voulez vraiment l’aider, donnez-lui quelques sous et allez votre chemin. Vous n’allez pas lui demander de se vêtir comme vous, de diriger ses prières vers l’Orient au lieu de l’Occident, de divorcer d’avec l’une de ses quatre femmes. Nous ne voulons pas de cette charité-là. »

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Bonne gouvernance ou spécificité culturelle
« On nous ressasse cette histoire de bonne gouvernance. Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’il y a, d’un côté, des adultes, et de l’autre des enfants ? Ne sommes-nous pas capables de gérer nos affaires tout seuls ? Et si le système tribal nous convenait mieux que le multipartisme ? Nous sommes libres. C’est notre réalité, nous autres habitants des forêts et des déserts. Nous ne connaissons pas les partis, les classes ou les élections. »

Le sida, un nouveau moyen de planning familial
« Ils [les pays riches] cherchent à nous occuper avec le sida et l’aide pour lutter contre le sida. Cette maladie n’a pas été découverte, chez nous, dans les années 1980. Elle existait depuis des centaines d’années, et nous avions toujours vécu avec. Aujourd’hui, certaines sociétés capitalistes cherchent à exploiter cette maladie et à faire de l’argent aux dépens des Africains qui en sont atteints. Pour cela, elles en exagèrent les conséquences. En vérité, nous avons un problème d’accroissement démographique non maîtrisé. Le sida n’est pas pour nous un problème. Notre croissance démographique moyenne s’élève à 3 %. Quelles que soient les conséquences du sida, nous n’avons pas de problème. Hier, nous n’étions que 250 millions. Aujourd’hui, la population globale du continent s’élève à 700 millions. Demain, nous serons 1 milliard. Alors, ne nous rebattez pas les oreilles avec le sida. Ce n’est pas notre premier souci. Les gens meurent tous les jours, certains du sida, d’autres du cancer, de la vache folle ou de la grippe aviaire. »

Plus partageur que moi, tu meurs !
« Tel pays africain peut venir demander à la Libye de lui vendre son pétrole, dont le cours mondial atteint 60 dollars le baril [cours du brent libyen], à 55 dollars seulement. Soit 5 dollars de moins par baril. Cela fait un très gros manque à gagner. Les Libyens disent que cet argent ne peut pas être donné sans contrepartie. Si nos frères nous donnent l’eau dont nous avons besoin en Libye, l’eau qui coule dans leurs fleuves, nous serions heureux de leur céder notre pétrole. Seuls quatre pays africains manquent d’eau. Ce sont la Libye, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc. Les autres pays africains, Dieu merci, en ont à volonté. L’eau de l’Afrique devrait aider les pays arides [d’Afrique du Nord] à assurer leur autosuffisance en cette matière. Ces pays ont du pétrole. L’Algérie et la Libye ont aussi du gaz. Cette richesse appartient à tout le continent. Nous devons étudier ce problème. »

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