Entre Pessoa et Dan Brown

Publié le 10 juillet 2005 Lecture : 2 minutes.

La littérature portugaise n’a pas été épargnée par la florissante culture light. Les romans à l’eau de rose et les guides pour problèmes de coeur et autres organes imposent à la pensée, déjà liftée, un régime 0 % de matière grise et clouent l’amour au pilori des lieux communs. À cette diète spirituelle, d’où la pensée sort anorexique, participe la polémique Dan Brown, relancée par le décès de Jean-Paul Il. Le Da Vinci Code avec sa cohorte de partisans et de détracteurs, mais surtout de lecteurs, dispute la première place des ventes aux biographies de feu le pape, dont le visage décore, comme les portraits obsédants d’Andy Warhol, les vitrines des librairies.
Autres concurrents : García Márquez, dont la magie devenue obsolète accomplit le miracle de la réussite, Paulo Coelho et quelques autres fraudeurs de la littérature. Fernando Pessoa, devenu un véritable produit éditorial, continue à faire couler de l’encre : biographies, albums de photos, etc.
Loin d’une littérature analphabète, la magnifique traduction de l’Iliade par l’helléniste et romancier Frederico Lourenço (4 000 exemplaires) brille par son actualité et brise le manichéisme stérile d’une néoreligiosité. Quelques romans, même s’ils sont peu lus, tentent de penser et donc de sauver le langage : Mes sentiments de Dulce Maria Cardoso, Rouge de Mafalda Ivo Cruz, Jérusalem de Gonçalo M. Tavares, exigent un vrai travail de lecture et méritent l’attention malgré leurs inégalités.
Ancrée dans la tradition portugaise, la poésie, par vocation peu menacée par le prêt-à-consommer, continue son travail souterrain. Antonio Ramos Rosa, à 81 ans, vient de publier Voyelle vive et Genèse. Courants invisibles de José Miguel Fernandes Jorge et Aracne d’Antonio Franco Alexandre feraient rougir, par leur modernité tissée avec les fils de l’Antiquité, tous les adeptes d’un faux progrès dont la mode s’est élue prophète.
Enfin émerge une nouvelle génération dont les oeuvres sont le théâtre du seul et véritable débat en termes d’écriture : en finir ou non avec la métaphore. Les jeunes poètes comme Manuel de Freitas, Ana Paula Ignacio, Carlos Bessa aspirent à une poésie urbaine, débarrassée de l’image, libérée des références françaises de leurs aînés. À découvrir absolument, Rui Pires Cabral qui dans Loin du village élève la banalité du quotidien à une puissance universelle et réussit à donner à la matière un timbre métaphysique.

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