Économie : le diagnostic de Ouattara

Publié le 10 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Al’issue du sommet consacré à la crise en Côte d’Ivoire, réuni les 28 et 29 juin à Pretoria, Alassane Dramane Ouattara, le président du Rassemblement des républicains (RDR), a dressé un diagnostic sans concessions de l’économie de son pays dans une interview accordée au quotidien Le Patriote, proche de son parti. L’ancien Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny de 1990 à 1993, qui ne s’était pas prononcé de manière aussi exhaustive sur la question depuis l’éclatement de la crise en septembre 2002, a tenu à tirer la sonnette d’alarme. Et largement contredit l’optimisme de Paul Antoine Bohoun Bouabré, le ministre d’État chargé de l’Économie et des Finances, qui avait profité de la dernière visite de la mission du Fonds monétaire international, en avril à Abidjan, pour expliquer que la Côte d’Ivoire était sur la bonne voie. Un véritable réquisitoire.
« La situation est véritablement catastrophique. Évidemment, les uns et les autres s’appuient sur le dernier rapport du FMI pour dire qu’elle n’est pas aussi effroyable que cela. Ce n’est pas vrai. Quand on connaît les nuances du langage de cette institution, surtout pour moi qui y ai travaillé pendant des années, quand on lit les chiffres, en réalité, il s’agit d’un cri d’alarme. C’est une alerte qui nous est lancée. Il y a eu, en 2004, un tout petit taux de croissance [NDLR : 1,6 %] qui ne relève en réalité que de la production agricole… Dans les autres secteurs, il n’y a pas de croissance, que ce soit l’industrie, les services, les importations dues à l’activité. Tout cela montre que le pays est dans une situation préoccupante et véritablement difficile. Le taux de croissance qui est noté ne permet même pas de juguler le taux de croissance démographique… Les Ivoiriens sont devenus plus pauvres. Sur ces cinq dernières années, la pauvreté a augmenté d’à peu près 15 % à 20 % », a déclaré l’ancien directeur adjoint du FMI. Avant d’en venir à la dette intérieure et extérieure de son pays qui n’a pas arrêté de se creuser depuis 2000.
Selon lui, l’État doit aux entreprises et fournisseurs nationaux quelque 435 milliards de F CFA, un montant difficilement supportable alors que le budget national s’élève à 1 200 milliards de F CFA. « Si on devait se mettre en règle, précise Ouattara, c’est le tiers du budget qu’on devrait consacrer à payer les fournisseurs avant même de commencer à gérer le budget de l’année normale. » Et ce n’est pas tout : quelque 1 100 milliards de F CFA sont dus au titre des arriérés extérieurs aux agences multilatérales et bilatérales, particulièrement à la Banque mondiale, à la Banque africaine de développement (BAD), au FMI, à l’Agence française de développement (AFD). Enfin, la dette extérieure s’élève à 10 milliards de dollars. Pour l’ancien Premier ministre, « le pays est en faillite » et serait « soumis à une dévaluation extraordinaire » s’il n’était pas membre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). « Quoi qu’on dise, poursuit Ouattara, pendant les années 1990, que ce soit de mon temps ou du temps du président Bédié, le pays a connu une bonne croissance économique. Surtout dans les années 1997-1998, après la dévaluation. Tout ceci a été effacé. » Et d’ajouter : « Ce qui me peine, c’est qu’en tant que directeur général adjoint du FMI j’avais réussi à faire incorporer la Côte d’Ivoire et le Cameroun sur la liste des pays pauvres très endettés (PPTE). Ce n’était pas évident ! Parce que quand on comparait la Côte d’Ivoire et le Cameroun au Tchad ou au Niger, les gens disaient que ce n’était pas normal. […] À la date d’aujourd’hui, quasiment tous les pays de l’Afrique de l’Ouest en profitent [de l’effacement ou de la diminution du fardeau de la dette, NDLR], sauf nous. » « La quasi-totalité des pays de l’Uemoa, en dehors des cas exceptionnels, ont vu leurs dettes annulées. Le Sénégal, le Niger, le Mali, le Bénin, le Burkina, en profiteront tous. Tout le monde sait ce qu’est la situation au Togo et en Guinée-Bissau. La Côte d’Ivoire rejoint donc les cas exceptionnels qui ne sont pas sur la liste des bénéficiaires sur les cinq prochaines années… Il faut que nous ayons une équipe reconnue, expérimentée, légitime qui se mette en place et qui ait les commandes de la Côte d’Ivoire. Il faut que nous puissions amener la Côte d’Ivoire à bénéficier de cet allégement de la dette, qui peut être de 80 %, 90 % ou 100 %. […] Il faut qu’on arrive à redonner espoir aux Ivoiriens. Qu’est-ce que Gbagbo peut apporter de bien à ce pays ? »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires