Au-delà des clichés

Publié le 10 juillet 2005 Lecture : 2 minutes.

Finissons-en avec les idées reçues : non, le Nigeria n’est pas cet enfer trop souvent décrit par les journalistes occidentaux, pays invivable où la violence est reine, marigot de corruption et de gabegie sur fond de charia impitoyable, d’émeutes ethniques et religieuses. Soyons honnêtes : s’il y a du vrai dans ces assertions, le trait – par trop forcé – enlève toute velléité de découvrir ce pays. Pourtant, le Nigeria est passionnant. Issu d’une vieille civilisation, possédant une vaste culture et d’abondantes richesses, le Nigeria est un eldorado qui s’ignore.
Certes, il y a des raisons objectives à ce problème de perception. Difficile d’accès pour des raisons administratives héritées de la dictature, le pays reste « plombé » par une histoire qui, depuis l’indépendance en 1960, s’est souvent résumée à une succession de coups d’État. À l’aune du continent, il fait figure de monstre, avec ses 130 millions d’habitants, un chiffre officiel qui pourrait d’ailleurs être bien en dessous de la réalité. Deux grandes religions, voire trois, y cohabitent, mais il s’en pratique peut-être quarante. Quant aux quelque deux cent cinquante ethnies qui le composent, en combien de sous-groupes, de clans et de tribus sont-elles divisées ? Cette diversité est renforcée par la géographie, qui lui confère une identité multiple : sahélienne au Nord, équatoriale au Sud, baigné par le delta du fleuve Niger où rien ne pousse, sauf les derricks !

Pour comprendre ce pays, il faut changer de manière de voir. Se pencher sur l’extraordinaire vitalité humaine, celle qui se montre sous son meilleur jour dans les domaines artistiques, mais également économiques. Le chef de l’État, Olusegun Obasanjo, s’y est attelé au cours de son premier mandat. Il a cherché à réconcilier le pays avec un monde qui le boudait, en offrant à ses interlocuteurs une autre image du Nigeria. Sa faconde et sa détermination y ont partiellement réussi. Pour son second mandat, Obasanjo s’est donné pour tâche de réconcilier le pays avec lui-même. Il a donc ouvert un certain nombre de chantiers. Le plus populaire d’entre eux est la lutte contre la corruption, qui n’épargne ni les hauts fonctionnaires, ni les membres du gouvernement, ni même sa famille. Il espère également procéder à un rééquilibrage de l’architecture institutionnelle, mise à mal par les pouvoirs militaires successifs, et partager de façon plus juste les revenus issus des hydrocarbures. Le temps lui est cependant compté, la prochaine présidentielle étant prévue pour 2007. Mais qu’importe, il aura imprimé le rythme du changement, et son successeur pourra jouer la même partition – qui semble plaire aux Nigérians -, même si l’actuel président aura bénéficié d’un facteur plus que favorable : la bienveillance de cette Amérique qui donne, depuis les attentats du 11 septembre 2001, le tempo du monde. Ce n’est un secret pour personne : les États-Unis convoitent les ressources du golfe de Guinée en général, et du Nigeria en particulier. Un intérêt dont Abuja peut espérer des retombées autant politiques qu’économiques.

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