Au bout du suspense

Publié le 10 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

A quelques jours du sixième tour de l’élection du président de la Banque africaine de développement (BAD), les deux candidats restés en lice battent campagne. Chacun croit fermement à ses chances et nourrit une vision différente de l’avenir immédiat de la Banque. Mais aucun des deux ne veut voir le scénario d’Abuja se reproduire à Tunis, siège temporaire de l’institution, les 21 et 22 juillet. Pour donner quelques clés de ce scrutin particulièrement indécis, nous avons reconstitué les résultats des suffrages exprimés à Abuja (18-19 mai) et interrogé les deux finalistes, Donald Kaberuka (Rwanda) et Olabisi Ogunjobi (Nigeria).
Sept candidats figuraient sur la liste officielle publiée à Tunis le 16 février 2005. Six se sont présentés à l’audition préalable du 16 mai, à Abuja, devant les gouverneurs de la Banque, qui représentent les 77 États membres, dont 53 régionaux et 24 non-régionaux (voir J.A.I. n° 2314). Le candidat égyptien, Ismaïl Hassan, parrainé par Djibouti, a préféré jeter l’éponge. Entamé le 18 mai à 14 h 30, le scrutin s’est prolongé jusque tard dans la nuit. Au cinquième tour, après l’élimination successive du dernier arrivé aux quatre tours (voir J.A.I. n° 2315), ils n’étaient plus que deux.
Donald Kaberuka a obtenu le soutien de 39 pays et réuni 58,22 % des suffrages d’ensemble (contre respectivement 31 % et 45,86 % au quatrième tour), mais totalise seulement 40,53 % des voix africaines, contre 26,94 % au tour précédent (les pouvoirs de vote des 53 pays africains représentent 60,07 % du total et ceux des 24 pays non régionaux 39,94 %, la somme faisant 100,01 % à cause des arrondis).
Olabisi Ogunjobi a rallié 38 pays, 41,79 % des suffrages d’ensemble, contre respectivement 20 % et 28,03 % au quatrième tour, et 59,46 % des suffrages africains.
Chacun des candidats a donc beaucoup progressé par rapport au quatrième tour, mais aucun n’a obtenu la double majorité requise : au minimum 50,01 % des suffrages d’ensemble et 50,01 % des voix africaines. Face au statu quo, les gouverneurs décident, après une longue nuit de réflexion (du 18 au 19), de leur donner huit semaines pour tenter de gagner des soutiens dans le camp adverse.
Bien que l’élection soit à bulletins secrets, certains pays ont accepté de dévoiler le nom du candidat pour lequel ils ont voté. En s’appuyant sur ces informations et en procédant par recoupements, J.A.I. est parvenu à établir le détail du vote du cinquième tour. En sachant, avec une marge d’erreur de moins de 1 %, qui a soutenu qui, on peut échafauder les scénarios du sixième tour, voire d’un éventuel septième tour (les pouvoirs de vote sont les mêmes qu’à Abuja et le nombre de tours est indéterminé).
À Tunis, les gouverneurs auront à choisir entre deux économistes parfaitement bilingues (français et anglais) formés dans des universités britanniques (Donald Kaberuka à Glasgow et Olabisi Ogunjobi à Bradford). Mais la comparaison s’arrête là. À 53 ans, le candidat rwandais a une solide expérience ministérielle derrière lui (il détient le portefeuille des Finances et de la Planification économique depuis octobre 1997) et une longue carrière dans le secteur privé (finances et matières premières). Il est connu sur la scène financière internationale (FMI, Banque mondiale) et souhaite apporter du « sang neuf » à la BAD, laquelle devrait, selon lui, faire plus et mieux dans la lutte contre la pauvreté et dans la promotion de l’intégration africaine (voir J.A.I. n° 2305). Il lui manque 5,69 % de voix africaines pour l’emporter. C’est pourquoi il s’est attaché, depuis le 19 mai, à convaincre les leaders africains qui n’ont pas voté pour lui – notamment les chefs d’État et les argentiers de la Côte d’Ivoire, du Congo, de la RD Congo, du Burkina, du Mali, du Sénégal, du Gabon, de la Libye, de Madagascar et du Maroc. Certains lui ont fait des « promesses fermes », d’autres ont été plus ou moins réservés. Activement soutenu par le président Paul Kagamé et son gouvernement, Donald Kaberuka n’a pas cessé de voyager entre l’Afrique et l’Europe, y compris pour rassurer et garder la confiance de ceux qui ont déjà voté en sa faveur.
Olabisi Ogunjobi, 58 ans, est en campagne en Amérique du Nord et en Europe, d’abord pour remercier ceux qui l’ont soutenu, ensuite pour tenter de convaincre ceux qui doutent encore de ses capacités. Il connaît la Banque comme sa poche (il y est entré en 1978) et a participé activement aux réformes mises en oeuvre par le président sortant, le Marocain Omar Kabbaj. Candidat de la « continuité et de la consolidation », il considère qu’un nouvel échec à Tunis serait mauvais pour la Banque. De fait, en cas d’impasse, les gouverneurs devront confier les rênes de l’institution à un président intérimaire pour une durée maximale de douze mois. Cela pourrait être le président Omar Kabbaj lui-même… ou une personnalité africaine extérieure à la Banque.

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