Pardonnez notre racisme

Publié le 10 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Le meurtre d’un père de cinq enfants, Tayssir Karaki, 35 ans, domicilié à Beit Hanina, a été commis par un seul individu, mais le terreau dans lequel a grandi le terroriste franco-israélien Julien Soufir mérite un examen de conscience collectif.
Plus d’un Juif français a expliqué, pendant la récente campagne présidentielle, qu’il était pour Nicolas Sarkozy parce qu’il avait réagi avec fermeté contre les immigrés musulmans lors des émeutes des banlieues en 2005. Son soutien, sans équivoque, à la communauté juive après le meurtre d’Ilan Halimi, en 2006, attribué par lui à des motifs antisémites, lui a également permis de mobiliser de nombreux Juifs français. Au cours de la campagne, on a entendu des Juifs dire que « les Arabes sont en train de prendre le pouvoir en France », ou qu’« il faut un homme fort pour ramener l’ordre ici ».

Six cent mille Juifs vivent en France aujourd’hui. Contrairement aux enfants des immigrés musulmans, nombre d’entre eux occupent des positions sociales élevées et ont gagné le respect et la protection du gouvernement. Dans une République où le citoyen se définit par son attachement à des valeurs universelles et non par son appartenance religieuse, les Juifs ont su jouer sur les deux tableaux. Ils se sont intégrés à la société française, tout en continuant à afficher leur allégeance à l’égard d’Israël, en particulier à la droite qui a gouverné ces dernières décennies.
L’activisme de nombreux Juifs français et le racisme que certains d’entre eux manifestent envers les musulmans ne sont pas des phénomènes nouveaux. Je me souviens d’un matin de sabbat dans une synagogue parisienne. J’avais 12 ans. C’était pendant la guerre du Liban, en 1982, et le rabbin a récité une prière pour l’État d’Israël et ses soldats. L’assistance a répondu par des exclamations du genre « Sharon, tue-les ! » Le rabbin n’a pas essayé de les faire taire. Il était alors même clair que cette communauté, qui pendant des années s’était généreusement dévouée à Israël, utilisait l’État hébreu comme un moyen de revanche.
Aucun Juif français n’oserait tuer un musulman en France. Le meurtrier juif Soufir a immigré en Israël avant de tuer un Arabe – et ce n’est pas faute de trouver en France des cibles musulmanes. Mais dans l’Hexagone, de nombreux Juifs préfèrent passer pour des victimes – et les manifestations antisémites leur en donnent suffisamment d’occasions. Grâce au statut de victime, ils bénéficient du soutien du gouvernement, d’autant que le sentiment de culpabilité hérité de la période de Vichy reste vivace.

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Il est temps que l’État d’Israël oblige les Juifs de France, qui « mangent à tous les râteliers », à se regarder en face. Le Premier ministre Ehoud Olmert et la présidente par intérim Dalia Itzik devraient rendre visite à la famille de la victime assassinée et lui demander pardon au nom de l’État et du peuple juifs. Ils agiraient comme le roi Hussein de Jordanie après le meurtre de sept fillettes de Beit Shemesh, dans l’attaque terroriste de Naharayim en 1997, ou comme le président français et son épouse Jacques et Bernadette Chirac et le Premier ministre Dominique de Villepin l’ont fait après l’assassinat d’Halimi à l’occasion de la cérémonie funéraire à la synagogue de Paris.
Il est temps également pour les dirigeants de la communauté juive française, à commencer par le premier d’entre eux, le rabbin Joseph Sitruk, de se rendre à la Grande Mosquée de Paris pour demander pardon. Pardon pour le meurtre, mais aussi pour le racisme antimusulman qui s’enracine dans leur communauté, et qui est l’une des principales causes de la détérioration des relations entre juifs et musulmans en France.

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