Jours tranquilles à Dakar

Publié le 10 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Dans l’attente de la mise en place du tribunal chargé de le juger, Hissein Habré, qui régna sur le Tchad de 1982 à 1990, avant de se réfugier au Sénégal au lendemain de sa chute, continue à couler des jours tranquilles dans son pays d’accueil. Malgré les nombreux rebondissements de la procédure intentée contre lui, il n’a rien changé à ses habitudes ni à ses fréquentations. Tout au plus a-t-il étendu son réseau d’alliés et de « protecteurs » quand il a senti l’étau se resserrer autour de sa personne après le mandat d’arrêt international lancé contre lui par la Belgique, le 19 septembre 2005.
Habré a donné plus de place dans son dispositif de défense à des avocats comme le très médiatisé Elhadji Diouf. Devenu ministre le 23 novembre, ce polémiste doublé d’un politicien vient renforcer cette fraction de l’entourage d’Abdoulaye Wade hostile aussi bien à l’extradition qu’au jugement d’Habré. L’histoire se répète : Madické Niang, un autre avocat qui a défendu l’ex-dictateur, et qui est l’un de ses plus sûrs alliés, est entré dans le gouvernement comme ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, puis des Mines et de l’Énergie de Wade. Deux autres avocats sont aujourd’hui parmi les proches confidents de l’ex-dictateur : l’ancien garde des Sceaux, Doudou Ndoye, et l’ex-magistrat au Conseil d’État, Mamadou Lô. Il comptait jusqu’à récemment parmi ses amis l’ex-vice-président de la Cour internationale de justice (CIJ), Kéba Mbaye, et l’homme d’affaires Amadou Sam Wagne, tous deux décédés de fraîche date, ainsi que la sociologue Marième Touré, mariée dans la vie civile à Iba Der Thiam, proche d’Abdoulaye Wade
Dans la plus grande discrétion, Hissein Habré reçoit patrons de presse, leaders d’opinion, dirigeants d’association, hommes politiques Le quotidien de l’ex-chef de l’État est fait de lobbying. Au sommet de l’UA, qui s’est tenu à Banjul début juillet 2006, il a dépêché des émissaires qui ont « fait les couloirs » pour tenter de plaider sa cause auprès des délégations.
Habré n’apparaît nulle part, mais abat un important travail en coulisses. C’est à bord de bolides aux vitres teintées qu’il effectue tous les deux jours la navette entre les domiciles de ses deux épouses : l’un dans le quartier huppé des Almadies, l’autre à Ouakam. De somptueuses propriétés surveillées par une dizaine de Sénégalais membres du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et des éléments de sécurité tchadiens qui ont suivi leur mentor dans sa fuite.
Jadis très entouré en son palais de N’Djamena, il vit aujourd’hui dans un cercle restreint constitué de ses épouses, de ses enfants, mais aussi de la quarantaine de personnes qui l’ont suivi – son ex-directeur de cabinet, quelques conseillers, les familles de ses épouses, des amis – logés dans des appartements de location à Dakar. Aucun Sénégalais ne se rappelle l’avoir une seule fois croisé ces dernières années, si ce n’est à la mosquée de Ouakam ou à celle des Almadies. Le temps est révolu où il apparaissait drapé dans des grands boubous à la Grande Mosquée de Dakar, à l’occasion des fêtes religieuses ou des prières du vendredi.
Habré pratique assidûment sa religion, mais dans la discrétion. Il se lève très tôt tous les jours pour honorer la prière de l’aube dans un des lieux de culte à proximité de ses domiciles. Et passe une bonne partie de la journée devant le petit écran, zappant entre les chaînes francophones et arabophones. S’il ne reçoit pas des « alliés », il passe son temps à prier, à lire et à écrire. Il serait en train de rédiger trois ouvrages où il retrace les événements marquants de sa vie, mais aussi donne sa part de vérité sur les graves accusations portées contre lui. Des arguments dont il aura bien besoin pour se défendre devant son futur juge.

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