« Un pape noir ? Ce n’est pas le problème… »

Un entretien avec Mgr Christian Tumi, archevêque de Douala et cardinal électeur au Sacré Collège.

Publié le 10 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Homme d’action et de conviction, Mgr Christian Tumi travaille au sein de deux importantes congrégations vaticanes. Il est par ailleurs connu pour ses prises de position critiques envers les autorités de son pays.

Jeune Afrique/L’Intelligent : Quel bilan dressez-vous de l’action de Jean-Paul II en Afrique ?
Mgr Christian Tumi : Il me faudrait un livre pour répondre à cette question. C’était un homme qui voulait que soient reconnus les droits fondamentaux de tous, des Africains comme des autres. Il était le pasteur de l’Église universelle, il croyait en ce qu’il faisait. Il a suscité une admiration légitime pour ses convictions, sa foi et son courage.
J.A.I. : Quel a été son apport personnel, comparé à celui de ses prédécesseurs ?
Mgr.C.T. : Il a visité l’Afrique plusieurs fois et, à chaque fois, il a insisté sur l’importance de l’intégration des valeurs culturelles africaines dans la pratique chrétienne. Jean-Paul II est venu deux fois au Cameroun, d’abord en 1985, pour une visite pastorale, puis en 1995, pour la clôture du synode des évêques consacré à l’Afrique et sa mission évangélisatrice. C’est à Yaoundé, le 14 septembre de cette année-là, qu’il a signé son exhortation apostolique Ecclesia in Africa. C’était la première fois qu’un document de ce type était signé hors du Vatican. Nous en gardons de très bons souvenirs.
J.A.I. : Il avait des positions très fermes sur l’utilisation du préservatif, l’avortement, le contrôle des naissances, la politique de la famille…
Mgr.C.T. : La loi divine interdit de tuer. Même le pape ne peut pas la changer.
J.A.I. : Compte tenu des ravages du sida en Afrique, une certaine souplesse n’est-elle pas envisageable ?
Mgr.C.T. : L’utilisation du préservatif ne résout rien du tout. La maîtrise de soi et la chasteté sont indispensables, avant et après le mariage. Le préservatif ne freine pas la progression du sida. La preuve, l’épidémie n’a pas reculé depuis qu’il est utilisé. Ce n’est donc pas la solution. Nous sommes absolument d’accord avec Jean-Paul II, et c’est aussi la position de la Conférence épiscopale des évêques du Cameroun. Nous avons publié un document là-dessus…
J.A.I. : Vous êtes un cardinal politiquement engagé. Le défunt pape approuvait-il votre action ?
Mgr.C.T. : Je ne suis pas politiquement engagé, je ne suis membre d’aucun parti politique et ne le serai jamais. Simplement, en tant que pasteur et en tant que citoyen, j’exprime mon opinion sur ce qui ne va pas. C’est une obligation pastorale à laquelle le pape souscrivait, lui aussi. L’Église doit parler chaque fois qu’il y a injustice ou tricherie dans l’administration : c’est pour le bien du pays. Mais ce n’est pas un engagement. Nos positions correspondent à l’enseignement social de l’Église.
J.A.I. : Le temps est-il venu d’élire un pape africain ?
Mgr.C.T. : Ce n’est pas ce qui m’intéresse. Le futur pape, quelles que soient ses origines, devra être capable de bien gouverner l’Église universelle. On ne doit pas choisir quelqu’un simplement parce qu’il est africain, européen ou américain. Les 117 cardinaux appelés à donner un pape à l’Église ne doivent pas s’attacher à cet aspect-là, mais à la personne.
J.A.I. : L’important, ce sont donc ses opinions concernant les grands problèmes du moment, plutôt que le poids démographique du pays dont il est originaire ?
Mgr.C.T. : C’est exact, à ceci près que nous prenons en compte l’individu plutôt que ses opinions. Le futur pape doit être capable d’enseigner au peuple, à la place de Jésus, en tant que vicaire du Christ, les vérités qui sauvent. S’il met en avant ses opinions, j’ai aussi droit aux miennes…
J.A.I. : Les sectes et les « Églises de réveil » sont en pleine expansion en Afrique…
Mgr.C.T. : L’Église catholique doit dialoguer avec tout le monde, sans violence, et proposer des vérités à ceux qui veulent les entendre, c’est tout. On doit respecter la liberté religieuse de chacun. Nous avons beaucoup de sectes au Cameroun, à Douala notamment, mais les catholiques restent les plus nombreux. Ce que nous exigeons, c’est que ceux-ci soient aussi des militants, qu’ils s’engagent dans l’évangélisation de leur pays. Parfois, nous admirons les sectes pour leur agressivité évangélique. Si les catholiques étaient aussi convaincus, nous pourrions faire de grandes choses. Il ne faut pas avoir peur. Si un mouvement de ce genre est inspiré par Dieu, que Sa volonté soit faite. Sinon, il est condamné à disparaître. D’ailleurs, au Cameroun, nous commençons à assister à la disparition de certaines sectes…

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