Premières élections démocratiques au Mali

Publié le 10 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Ce dimanche 12 avril 1992, dans la file des électeurs devant un bureau de vote du quartier Djikoroni, à Bamako, le citoyen Amadou Toumani Touré, lieutenant-colonel de l’armée malienne de 43 ans, s’apprête à élire son successeur à la tête du pays. Le moment est historique. Le Mali vit ses premières élections démocratiques depuis trente ans. Et un militaire va bientôt remettre le pouvoir à un civil.
Un an plus tôt, le 26 mars 1991, une partie de l’armée dirigée par Amadou Toumani Touré renversait le régime de Moussa Traoré, au pouvoir depuis 1968. L’arrestation du dictateur faisait suite à des mois d’émeutes et de grèves générales à répétition qui avaient débouché sur trois jours de soulèvement populaire sanglant les 22, 23 et 24 mars. Sur ordre de Moussa Traoré, l’armée avait tiré sur la foule des jeunes manifestants, faisant 112 morts et près d’un millier de blessés, selon le bilan officiel.

Une fois la dictature par terre, les événements se précipitèrent, sans heurts, ce qui, aujourd’hui encore, vaut au Mali d’être considéré comme un « modèle » de transition démocratique. Le 27 mars, Amadou Toumani Touré (« ATT » pour tout le monde, depuis) prenait la tête d’un Conseil national de la réconciliation (CNR), qui suspendait toutes les institutions et promettait d’aller rapidement vers un régime démocratique. Quelques jours plus tard, le CNR était remplacé par un Comité transitoire pour le salut du peuple (CTSP) composé de civils et de militaires. En avril, un gouvernement de transition était constitué, sous la direction d’ATT, et les partis politiques autorisés.
Du 29 juillet au 12 août, une Conférence nationale réunit 36 partis et plus d’un millier d’associations pour adopter un projet de Constitution, une charte des partis et un code électoral. Six mois plus tard, le 12 janvier 1992, les Maliens adoptent par référendum, avec 98,35 % des voix, la Loi fondamentale de la IIIe République. Dans la foulée, des élections législatives couronnent la victoire écrasante (deux tiers des sièges) du parti de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema) menée par Alpha Oumar Konaré. Enfin, le 12 avril, les Maliens se rendent aux urnes pour élire démocratiquement leur chef d’État, pour la première fois de leur histoire.
Neuf candidats sont en lice, dont le chef de l’Adema, donné favori. C’est un militant syndical et associatif, un professeur d’histoire et un patron de presse. En 1983, il a fondé la maison d’éditions et la revue culturelle Jamana, puis Les Échos, premier quotidien indépendant du pays en 1989, et, enfin, une radio privée en 1991. Fort de son image d’intellectuel ouvert et de panafricaniste convaincu, il remporte 45,19 % des suffrages au premier tour, devant Tiéoulé Konaté de l’Union soudanaise du rassemblement démocratique africain (USRDA, le parti du premier président du Mali, Modibo Keïta), qui obtient 14,51 % des voix, et Me Mountaga Tall du Congrès national d’initiative démocratique (CNID), qui en recueille 11,41 %.
Le deuxième tour, le 26 avril, consacre sa victoire. Avec 69,02 % des suffrages exprimés, Alpha Oumar Konaré devient, à 46 ans, le premier président du Mali démocratique. Le jour de son investiture, le 8 juin 1992, le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (il sera fait général le lendemain) lui rend publiquement les honneurs des militaires, tenant ainsi ses promesses jusqu’au bout et signant la soumission de l’armée au nouveau pouvoir démocratique, un symbole fort.

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La tâche qui attend le nouveau président, élu avec un taux de participation à peine supérieur à 20 %, est difficile. Il doit certes consolider la démocratie et redorer l’image de l’État après trente ans de dictature. Mais, dans l’un des pays les plus pauvres du monde, il doit plus immédiatement répondre aux aspirations de changement et aux revendications socio-économiques dont la population exige légitimement la satisfaction.
Le régime démocratique tient bon. Malgré des contestations, les résultats de l’élection présidentielle de 1997 sont validés. Le scrutin de 2002 se déroule dans de bien meilleures conditions. Alpha Oumar Konaré ne brigue pas de troisième mandat, ainsi que le prévoit la Constitution, et c’est le général Amadou Toumani Touré qui revient au pouvoir, par les urnes, dix ans après l’avoir quitté.

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