« Je les ai eus, hé hé ! »

Publié le 10 avril 2005 Lecture : 1 minute.

La scène, qui met en présence le président et le colonel Comorès (l’exécuteur de ses basses oeuvres), intervient peu après l’annonce de la réforme agraire.
Les jours suivants, les incessantes manifestations des paysans secouèrent les ex-colons. Ils s’y attendaient sans trop y croire. Ils espéraient que les menaces de boycott des pays occidentaux feraient rétrécir les prétentions du président élu démocratiquement à vie. Le sanguinaire assis dans son fauteuil triplement capitonné, entouré de ses doubles rideaux, quadruples tentures, trinquait s’en fout la vie : « Je les ai eus, hé hé ! » Il rigolait beaucoup du coup pendable qu’il leur faisait. « Ils ne doivent pas en revenir, les Blancs, que j’aie osé leur faire ça. » C’était le juste retour des misères et des déchéances.
– Où en sont les affaires ? demandait-il à Comorès, en vidant son whisky sans glace parce qu’il estimait que cette invention des Blancs était destinée à ramollir l’homme noir, afin qu’il s’expatrie dans le froid, pour mieux lui voler l’Afrique.
– Beaucoup sont déjà partis, mon commandant, disait ce dernier, obséquieux. Ils partent par escouades, sans demander leur reste.
– À pied j’espère, souriait le président. Comme nos ancêtres fuyant devant leurs artilleries de conquistadores.
– Ils fuient avec ce qu’ils peuvent, mon commandant… certains à pied, d’autres en charrette, et leurs vieilles voitures encombrent les routes, mon commandant. Mais il en est qui résistent. Ils y croient encore, les pauvres.
– Pas pour longtemps, disait le président en tripotant ses cheveux blancs cachés par une coloration noir corbeau.

La Plantation, pages 241-242.

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