Vous avez dit loufoque…

À 35 ans, Sophia Aram présente à Paris Du plomb dans la tête. Un one-woman show décapant encensé par la critique.

Publié le 9 novembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Début octobre. Massy, banlieue parisienne. Une enseignante se pend dans sa salle de classe. Une cellule psychologique est mise à la disposition des enfants et de leurs parents. Quelquefois, la réalité rattrape la fiction Pour son premier one-woman show, Sophia Aram avait imaginé une situation similaire. Dans son spectacle, le revolver remplace la corde. Et le titre, Du plomb dans la tête, désigne la balle que se tire une institutrice de maternelle.
Sophia Aram, en directrice d’école, lunettes sévères sur le bout du nez, cheveux tirés en arrière, accueille les parents venus participer à la cellule de soutien psychologique. Silhouette à la Ally McBeal et humour décapant, elle incarne neuf personnages, tous plus loufoques les uns que les autres. De Mounir, petite frappe de cité, à la psy québécoise spécialisée en « suicidologie et en postvention (l’inverse de prévention) », en passant par Farida, une mythomane, sous antidépresseur, qui se dit agent secret. Sans doute le personnage le plus improbable. Et pourtant « Lors de la première rentrée de mon fils, une mère de famille était venue avec une pétition contre les pigeons. Je m’en suis inspirée. Elle disait travailler pour le FBI et être débordée avec la traque d’Oussama Ben Laden », s’amuse-t-elle.
Transformiste aguerrie, l’humoriste passe d’un rôle à un autre d’un mouvement de tête et juste en déplaçant une mèche de cheveux. Son il devient vitreux, et le gardien d’école prend vie. L’allure molle, les cheveux dans le visage, la voix dans les aigus, et la « maîtresse des petits » exprime son désarroi face à des « enfants en 3D »
Sa force réside dans sa capacité d’improvisation. Taquine, l’esprit vif, elle s’amuse à se moquer d’un spectateur. Un conseil, évitez de vous assoupir à son spectacle. Sophia n’hésitera pas à s’interrompre et vous dénoncer au reste de la salle. « Je n’ai pas un texte figé que je déclame. Ce que j’aime, c’est l’interaction avec le public. Le type qui s’est endormi l’autre soir, c’était génial ! C’est une opportunité extraordinaire pour faire rire tout le monde ! »
Un jeu dans lequel elle excelle. Formée au théâtre d’improvisation au lycée, à Trappes (comme Jamel Debbouze), Sophia brûle les planches depuis qu’elle a 17 ans. Née en 1973, à Ris-Orangis, de parents marocains, elle grandit en banlieue parisienne. « J’y ai vécu une enfance heureuse. Mes parents nous ont aidées, mes surs et moi, à trouver notre place dans la société. Française avec des origines marocaines, je suis fière de ce que je suis, mais je n’ai pas envie de représenter le quota des comédiennes marocaines sur scène. C’est facile de me comparer à Rachida Khalil ou à Amel Chabi. Mais j’aimerais aussi pouvoir l’être à d’autres. »
Pour autant, Sophia Aram ne dramatise pas la situation. « Je n’ai jamais été victime de racisme. » Elle sait que son talent suffit à attirer les spectateurs. La critique l’encense. Après un premier succès au Théâtre de dix heures, début 2008, Sophia est partie, en avril, en tournée au Maroc. « J’étais inquiète, je pensais qu’il n’était pas possible de parler de suicide au Maroc. Mais j’ai eu un superbe accueil. Il y avait plus d’échange et d’interaction qu’à Paris. » Une expérience qu’elle souhaite renouveler. En attendant, elle pense déjà à son prochain spectacle sur les croyances. Elle y évoquera aussi bien l’astrologie, la religion que l’informatique. « Il y a des gens qui vénèrent leur ordinateur comme d’autres leur dieu ! » Avec un humour toujours aussi acide.

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