« Détayaïsation » en douceur

Le PDG de la Snim, la plus importante entreprise publique, a été limogé.

Publié le 9 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Rouage important du système mis en place par Maaouiya Ould Taya, Mohamed Saleck Ould Heyine a été limogé le 30 septembre de son poste de PDG de la Société nationale industrielle et minière (Snim), la première entreprise publique mauritanienne. Il en avait pris la direction en 1984, année de l’arrivée au pouvoir de l’ancien chef de l’État (renversé le 3 août). Son éviction est sans nul doute révélatrice de la volonté des nouveaux dirigeants de « détayaïser » les principaux leviers de l’économie.
À l’image de la Sonatrach algérienne ou de l’OCP au Maroc, la Snim est « un État dans l’État ». Héritière de la société de Mines de fer de Mauritanie (Miferma), lancée en 1952 à l’initiative de colons français et grâce à des capitaux européens pour exploiter les gisements découverts dans le nord du pays, la compagnie a été nationalisée en 1974. Elle a créé ses propres villes, paie bien ses 3 700 employés et possède le train le plus long au monde, qui achemine le minerai depuis les environs de Zouérate jusqu’au port de Nouadhibou.
Le fer étant, avec la pêche et bientôt le pétrole, la principale ressource du pays, la Snim joue évidemment un rôle économique capital. En 2004, sa contribution au PIB a été de l’ordre de 12 %, son chiffre d’affaires de 240 millions de dollars et son bénéfice net de 34 millions. Cette richesse risque-t-elle de s’épuiser un jour ? Pas à court ni à moyen terme. « Les réserves actuellement prouvées couvrent les programmes de vente sur plus de cent ans, au rythme annuel de 12 millions de tonnes », lit-on dans un document interne de la société. De quoi rassurer les sidérurgistes européens occidentaux, premiers importateurs du minerai mauritanien.
Ould Heyine a cédé sa place à Youssouf Ould Abdel Jalil (45 ans), un manager originaire de Boutilimitt qui a été formé aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Peu connu du grand public, il est trilingue et marié à une Américaine. Ayant commencé sa carrière au ministère du Plan, il a fait, au milieu des années 1990, un détour dans le privé avant d’intégrer le système des Nations unies. Il était en dernier lieu directeur adjoint du bureau régional de l’Unicef pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, à Amman.
Mais cette nomination s’inscrit évidemment dans un cadre plus large. Sidi Mohamed Ould Boubakar, le nouveau Premier ministre, dresse ainsi un bilan calamiteux de la gestion de l’ancien régime, marquée, selon lui, par « un déficit grave consécutif à une hausse des engagements dans des proportions qui vont largement au-delà des ressources ». Cette hausse a conduit à un déséquilibre de la balance des paiements et à un accroissement de l’inflation. Les entreprises publiques sont elles aussi victimes d’une « crise financière aiguë qui met en péril la plupart d’entre elles et menace sérieusement la pérennité des services publics ».
Comment y remédier ? Les nouvelles autorités promettent la transparence dans la gestion et la réhabilitation du mérite lors du choix des hauts responsables administratifs. De récentes décisions semblent aller dans ce sens, comme la création d’une inspection générale de l’État et l’adhésion de la Mauritanie à « l’initiative de transparence » dans le domaine des industries extractives. Lancée en marge de la conférence internationale sur le développement durable, qui s’est tenue il y a trois ans à Johannesburg, ladite initiative vise à proscrire toute espèce d’opacité dans l’utilisation de la rente pétrolière et minière.
Un début de remise en ordre a par ailleurs eu lieu dans le secteur de la pêche, avec l’arraisonnement de plusieurs chalutiers travaillant avec des licences de complaisance, et dans celui de l’immobilier, avec la nomination de Sidi Ould Salem à la tête de la Société de construction et de gestion immobilière de Mauritanie (Socogim). Docteur en physique, ce dernier est l’un de ces cadres compétents et dynamiques qui furent longtemps tenus à l’écart de la haute fonction publique mauritanienne pour la seule et unique raison qu’ils étaient favorables à l’opposition.

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