Vos lettres ou courriels sélectionnés
Langue de bois
– Ceux des africanistes qui ne sont pas diplomates ou journalistes, qui ne sont pas soumis dans les palais présidentiels aux ronds de jambes ou à la langue de bois contagieuse, développent encore une belle indignation devant la misère grandissante et les abus qui en sont bel et bien la cause : il existe en Afrique deux langages. Pour s’être exprimé le 26 juillet à Dakar avec la candeur d’un néophyte, Nicolas Sarkozy s’est fait rappeler à l’ordre par Alpha Oumar Konaré, prêt à l’initier à cette pensée politique où totems et non-dits relèvent de l’art du camouflage. On est allé jusqu’à reprocher à Henri Guaino certaines lectures qui auraient inspiré le discours de Dakar, notamment celle d’Axelle Kabou, coupable d’avoir brisé l’omerta et dont il est inconvenant de prononcer le nom au sud du Sahara. Dans la foulée, sous prétexte de tordre le cou à des « idées reçues », François Soudan lance ensuite sans convaincre un réquisitoire à décharge pour « une corruption des élites (sic) très loin d’être une tare dont l’Afrique aurait le monopole ».
C’est affaire de regard. Mais il est malhonnête de faire l’amalgame entre l’accessoire et l’essentiel, le kyste et le cancer. La grande corruption d’État où le grand capital s’associe au pouvoir politique échappe certes au regard du plus grand nombre, mais s’opère entre initiés, dans une ingénierie financière dont les excès finissent tôt ou tard en démocratie par être dénoncés. La petite corruption de proximité, celle qui se généralise dans le racket et se substitue au droit, est autrement plus grave, car elle est ouvertement acceptée au nom de la Realpolitik par une opinion publique muselée. Pour François Soudan toujours, l’« éradiquer est une tâche impossible ». Il ajoute qu’« elle supplée aux défaillances d’un État faible, qui ne joue pas son rôle de redistributeur de richesses ». Ce commentaire fataliste, celui de Jeune Afrique et de la nomenklatura, est amoral. Il nie le droit au mérite et à la justice. Il est complaisant, choquant et fait peu de cas de tous ceux, les plus nombreux, à qui échappe cette « redistribution » mafieuse. Il est plutôt rafraîchissant que Nicolas Sarkozy ignore, délibérément ou pas, cette autre culture, celle du « contexte ». Et si c’était ça, sa rupture ?
J.V., Abidjan, Côte d’Ivoire
Réponse :
En quoi le fait de dire que l’Afrique n’a pas le monopole de la corruption – ce qui est une évidence – relève-t-il du réquisitoire à décharge ? Et en quoi la « petite » corruption de proximité serait-elle « autrement plus grave » que la grande, celle des élites, dont elle est le reflet rétréci ? Enfin : que vient faire Sarkozy là-dedans ? Il faudrait que vous m’expliquiez
F.S.
Coupons le cordon avec l’Occident !
– Suite à l’article publié dans Jeune Afrique n° 2430 consacré au discours du président Sarkozy au Sénégal, je souhaite préciser qu’une autre lecture en a été faite par certains jeunes Africains dont je fais partie. En effet, François Soudan et Élise Colette ont trouvé le discours du président de la République française passéiste, hors sujet et à côté de la plaque. Avec mes camarades (qui allons bientôt nous faire entendre sur la scène politique sénégalaise), nous pensons au contraire que ce discours est terriblement d’actualité. Je ne comprends pas la réaction des auteurs de cet article. Si Sarkozy nous propose, non de ressasser le passé mais d’en tirer les leçons pour l’avenir, c’est que, pour avancer, il est bon de tout remettre à plat afin de repartir sur de nouvelles et bonnes bases. Par ailleurs, il était nécessaire que Sarkozy clarifie sa position concernant le refus de la repentance, car, sur ce point, les responsabilités sont partagées. Beaucoup d’Africains se considèrent toujours comme des victimes du colonialisme et de l’esclavage. Certains estiment que l’Occident est leur obligé à cause de ce passé certes douloureux. Il nous faut couper le cordon ombilical qui nous relie à l’Occident et prendre enfin notre destin en main.
Il faudrait que Jeune Afrique (je vous le dis en toute amitié), malgré sa grande connaissance du continent, se plonge davantage dans les profondeurs de la réalité africaine au lieu de se contenter d’interviewer des leaders politiques africains – qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition. Les déclarations de Sarkozy sont loin d’être des idées reçues, ce sont choses que nous vivons au quotidien et que nos politiques n’osent pas nous dire. D’où leur gêne après son discours : leur absence de réaction n’était due ni à la politesse ni à la frilosité, encore moins à la soumission, mais plutôt, de mon point de vue, à la honte de s’entendre dire la vérité.
Jean Léopold Gueye, Dakar, Sénégal
Le diplôme de Charles Taylor
– Selon l’article consacré à Charles Taylor, paru dans Jeune Afrique n° 2425, celui-ci aurait décroché un diplôme d’économie aux États-Unis en 1997. Ayant eu un doute sur cette information qui laisse penser que Taylor a eu son diplôme l’année même où il a accédé au pouvoir, j’ai mené mes propres recherches. J’ai découvert qu’il a obtenu son diplôme en 1977.
Yatus Touré, Tizi-Ouzou, Algérie
Où va la Guinée équatoriale ?
– Je viens, avec quelque retard, de prendre connaissance de votre dossier intitulé « Où va la Cemac ? » (J.A. n° 2420 du 27 mai au 2 juin 2007). Si l’objectif de votre enquête apparaît à première vue comme une présentation de la Cemac et du mode de fonctionnement de ses structures, on est vite frappé par la manière dont vous décrivez le comportement que vous prêtez au président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. À vous lire, on a le sentiment que le numéro un équatoguinéen passe son temps à « guerroyer » contre ses pairs afin d’obtenir des avantages pour son pays. Il n’est que de parcourir votre enquête pour se rendre compte que, sur tous les dossiers ayant fait l’objet de débats lors des sommets de ces dernières années, à chaque fois, selon vous, la Guinée équatoriale n’a accepté telle ou telle autre résolution qu’à son corps défendant. Qu’il s’agisse de l’accueil au sein de la famille Cemac du président centafricain François Bozizé ou du fonctionnement de l’organisation, le président Obiang Nguema apparaît, à vos yeux, comme un « élément perturbateur ». Vous semblez même reprocher à la Guinée équatoriale « ses taux de croissance faramineux », selon votre expression, et le fait qu’elle puisse détenir 47 % des avoirs de la Cemac. Et vous étonner que ce pays s’estime sous-représenté au sein des institutions sous-régionales. Ainsi le président Obiang Nguema ferait « une fixation sur le gouverneur de la BEAC, Jean-Félix Mamalépot ». Il n’en est rien. Au sommet de N’Djamena, les chefs d’État avaient pris à l’unanimité la décision de relever de ses fonctions cet homme qui était à son poste depuis dix-sept ans. Quant aux « revendications » du président équatoguinéen portant sur la révision des statuts de la Cemac et une juste répartition des postes entre les pays membres, on ne peut que les approuver. La Guinée équatoriale est, certes, la dernière venue dans l’organisation. Mais cela ne peut justifier le gel ad vitam aeternam des statuts d’une association d’États indépendants et souverains ayant les mêmes droits et devoirs. Obiang Nguema aurait pu, fort de la richesse toute récente de son pays, prétendre à un meilleur traitement. Mais cette idée ne lui a jamais traversé l’esprit. Ses collègues chefs d’État qui lui ont confié le comité de pilotage des réformes de l’organisation ne s’y sont pas trompés. Cela montre l’inanité du jugement que vous portez sur lui quant à son « cavalier seul », comme semble l’accréditer votre soi-disant enquête.
Karim Fall, conseiller à l’information et à la communication du gouvernement équatoguinéen
Le chiisme, une hérésie ?
– La pertinence de nombre de vos articles, surtout ceux qui portent sur le Moyen-Orient, me séduit et me rend moins ignorante. Étant le produit de deux continents qui me tiennent à cur, l’Asie et l’Afrique, J.A. me permet de me tenir informée, de nourrir mes racines et, surtout, de comparer, pour un même sujet, avec les analyses que peut en faire la presse occidentale et française en particulier. Je souhaiterais simplement faire une remarque : Fouad Laroui, conteur merveilleux s’il en est, surtout lorsqu’il narre dans ses « Post-scriptum » la vie des Néerlandais, dans un pays bucolique à souhait (pour moi, l’habituée du marché Sandaga de Dakar ou du souk de Tyr au Liban !) : dans son article consacré à Douglas Stone et intitulé « Le nouveau prophète de l’islam » (J.A. n° 2430), Laroui conseille à Stone de s’entourer de spécialistes qui lui éviteraient de sombrer dans l’une de ces « hérésies » de l’islam qu’est le chiisme.
Bien qu’étant non pratiquante, je me fais un devoir de défendre l’islam (surtout par les temps qui courent), mais aussi le chiisme septimain ou duodécimain. Malheureusement, beaucoup de préjugés et de malentendus sont courants chez les Occidentaux, mais aussi chez les musulmans sunnites. Ces derniers sont souvent persuadés de leur seule orthodoxie au regard des sectaires chiites. Or, au regard de Dieu et des principes fondamentaux de l’islam, on ne peut soutenir la supériorité intrinsèque d’une forme confessionnelle sur l’autre. Sunnites et chiites sont soumis à la même Loi, lisent le même Livre saint, invoquent Allah et se placent sous la protection de son Prophète. Les uns ne sont pas « plus » ou « moins » musulmans que les autres. Tous les musulmans devraient prôner l’amitié et la solidarité entre eux, pour sortir de la léthargie dans laquelle le 11 Septembre les a plongés et démentir enfin la vision néfaste qu’à l’Occident sur la Oumma.
Sahjanane Klis-Yazback, courriel
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