Le mystère Kadhafi
Le « Guide » est resté muet lors du 38e anniversaire de la Révolution.
Le 1er septembre, Mouammar Kadhafi a fêté le 38e anniversaire de son accession au pouvoir. D’ordinaire, il prononce à cette occasion un grand discours. Cette année, rien, pas un mot. C’est seulement la deuxième fois qu’il reste muet de la sorte. Il n’en a pas fallu davantage pour que Tripoli bruisse de rumeurs concernant un hypothétique « mystère Kadhafi ».
Lors de la soirée du 31 août, traditionnellement marquée par un grand feu d’artifice, place des Martyrs, il a brillé par son absence. C’est Baghdadi Mahmoudi, son Premier ministre, qui a présidé la cérémonie, en présence de plusieurs invités étrangers parmi lesquels le président centrafricain François Bozizé et son épouse.
Le « Guide » n’est apparu que le lendemain, vers 21 h 30, à Syrte, sa région natale. Vêtu d’un costume blanc de coupe italienne, pochette verte en forme de carte d’Afrique, moustache et bouc de deux semaines, il a reçu sous sa tente ses invités étrangers, notamment Mohamed Benaïssa, le ministre marocain des Affaires étrangères, qui a tout juste eu le temps de lui remettre une lettre de Mohammed VI.
À la tribune, Bozizé a pris place à sa droite. De toute la soirée, les deux hommes n’ont pas échangé plus de quelques mots. Kadhafi semblait amorphe, comme absent. « On aurait dit qu’il était sous l’effet d’un traitement médical », raconte un témoin. Pendant près de deux heures, il a écouté des chants à sa gloire et contemplé des fantasias d’un il fixe. Il s’est finalement levé, est monté dans sa Land Cruiser, puis est rentré chez lui.
Comment expliquer ce comportement étrange ? Depuis plusieurs mois, des bruits alarmants circulent concernant l’état de santé du « Guide », qui a quand même 65 ans. Les autorités les démentent régulièrement et attaquent les journaux qui s’en font l’écho. Certains sont, au contraire, convaincus que Kadhafi s’efface délibérément afin de laisser le champ libre à Seif el-Islam, son fils et successeur présumé. Pour lui permettre de faire ses preuves et de négocier au mieux le virage engagé depuis la réconciliation avec les Occidentaux. Jeune Afrique signalait récemment (n° 2433, 26 août-1er septembre) la rareté de ses apparitions publiques et s’étonnait que Seif, bien que n’occupant aucune fonction officielle, préside toutes les manifestations importantes.
Autre explication possible : le « Guide » pourrait avoir d’autres préoccupations en tête, qui le contraindraient à une sorte de « retraite ». Ces préoccupations sont-elles d’ordre intérieur ou extérieur ? Là, le mystère s’épaissit. Mais on ne devrait pas tarder à être fixé. Habituellement, les « retraites » de Kadhafi ne durent jamais bien longtemps.
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