La stratégie de l’autruche

Publié le 9 septembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Jamais une élection marocaine n’aura suscité autant d’engouement médiatique que celle-là. Des centaines de journalistes européens, américains et asiatiques, des dizaines d’observateurs étrangers venus en rangs serrés « couvrir » le scrutin législatif du 7 septembre, scruter la composition de la nouvelle Chambre des représentants et, surtout, témoigner d’un événement historique : le basculement du royaume de Mohammed VI dans le camp islamiste.
Il suffisait de lire les titres des journaux et de regarder les reportages télévisés pour s’en convaincre. Munis à leur arrivée du même kit prêt-à-penser – et à publier -, beaucoup de confrères (pas tous, bien sûr) ont suivi l’itinéraire obligé du reporter en quête de sensations sulfureuses : visite à Salé et à Temara, fiefs des islamo-conservateurs du Parti de la justice et du développement, interviews de leaders « aux barbes discrètes » du type Othmani ou Benkirane, lesquels répondaient « avec une infinie patience » (la patience étant, comme chacun sait, l’une des caractéristiques des islamistes), détour obligé par le bidonville de Sidi Moumen, d’où « sont partis les terroristes de Casablanca », et courtes interviews, pour boucler le tout, de l’un des deux ou trois politologues marocains spécialistes de l’islamisme (excellents, au demeurant). Une fois ce « PJD Tour 2007 » achevé, on diffuse. Les mêmes sujets, les mêmes papiers forcément. En attendant le « grand soir » du 7 septembre.
Certes, le score des islamistes modérés constituait sans doute, avec le taux de participation, l’un des enjeux majeurs de cette élection. Mais l’examen attentif de réalités moins médiatiques aurait dû conduire ceux qui prévoyaient un « raz-de-marée » du PJD à plus de circonspection, même si ce parti a toujours été considéré comme l’un des favoris.
Mode de scrutin à la proportionnelle à un tour, forte implantation en milieu rural (grand oublié des médias) du Mouvement populaire berbérophone, perte de vitesse des socialistes de l’USFP, regain d’influence des nationalistes de l’Istiqlal, multiplication des formations en lice : tout concourrait, pour peu qu’on y prête attention, à réduire l’impact dramatique (et politique) de ces élections. En outre, s’il n’a jamais été exclu a priori que le PJD entre au gouvernement dans le cadre d’une alliance avec d’autres partis, le fait que le roi choisisse dans ses rangs son futur Premier ministre est considéré comme « inenvisageable » au Palais. De quoi corriger le strabisme convergent de certains observateurs, pour qui le PJD est un peu ce que son trou est à l’autruche.

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