Côte d’Ivoire : le courant va passer
Stratégie calée, tarifs négociés, financements trouvés et chantiers de court et de moyen termes engagés… La Côte d’Ivoire devrait produire plus d’électricité, à moindre coût, dès 2013.
« Moi, je ne dors pas sur les dossiers ! » tonne Adama Toungara, le ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie. Des propos peu flatteurs pour ses prédécesseurs, mais que ce proche du président ivoirien assume parfaitement. En arrivant au pouvoir, en avril 2011, les nouvelles autorités ont trouvé un secteur en crise, après dix années pendant lesquelles il n’avait pas bénéficié de réels investissements, laissant les centrales électriques et les lignes à haute tension sans grand entretien ni réhabilitation. Une négligence qui s’est forcément traduite par des délestages intempestifs et des pertes énergétiques (de près de 30 %) dus aux branchements illicites et aux problèmes techniques récurrents.Alassane Ouattara a d’emblée mis la pression sur son ministre, n’hésitant pas à lui rappeler régulièrement le nom des projets qu’il souhaitait voir mis en oeuvre rapidement. Ce qui a valu à Toungara de se faire appeler affectueusement par ses camarades du gouvernement « Monsieur Azito », du nom de la centrale abidjanaise dont la puissance doit être sérieusement revue à la hausse. Car si elle espère développer son économie et accéder au statut de pays émergent dans huit ans, la Côte d’Ivoire n’a pas d’autre choix que de trouver rapidement les moyens de fournir l’électricité nécessaire pour répondre aux besoins – présents et futurs – à un prix raisonnable.
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Prix
Actuellement, 70 % de la production nationale d’électricité est d’origine thermique et générée par des sociétés privées, qui la revendent à l’État. Son coût est donc établi à partir de celui du gaz naturel, indexé sur le prix du brut et le dollar. Or, quand les cours de l’or noir flambent, la facture s’enflamme elle aussi – d’où le déficit record de 150 milliards de F CFA (228,6 millions d’euros) enregistré en 2011.
Course contre la montre des opérateurs
Le 9 janvier, le Premier ministre ivoirien, Daniel Kablan Duncan, a signé l’accord de prêt entre son gouvernement et la banque publique China Exim Bank, un ouvrage essentiel pour le développement de la production nationale d’électricité. Et force est de constater que les choses ne traînent pas, puisque la construction du barrage commence dès ce mois de février, pour une mise en production prévue en 2018. Le coût total du projet est estimé à 331 milliards de F CFA (environ 505 millions d’euros), financés à 15 % par la Côte d’Ivoire et à 85 % par la Chine.
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Pour restaurer l’équilibre financier, l’État a choisi d’actionner plusieurs leviers. Il a renégocié le prix de cession du gaz avec les sociétés productrices (Foxtrot, CNR, Afren) qui alimentent les centrales. « Cela n’a pas été facile, précise Toungara. J’ai fait auditer le coût de production du gaz et commandé des études comparatives avec ce qui se fait dans les autres pays d’Afrique, d’Europe et d’Amérique. » Après plusieurs mois de discussions, l’État et les privés se sont entendus sur un nouveau mécanisme, qui s’équilibre économiquement. De son côté, la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) a relevé de 10 % son tarif industriel, augmenté le prix de l’énergie exportée et amélioré le taux de recouvrement des factures – en particulier dans le nord du pays, où beaucoup étaient restées impayées pendant la crise sociopolitique.
Mix
Parallèlement, les autorités ont préparé un plan stratégique de développement du secteur de l’électricité, qui court jusqu’en 2030, articulé autour de 66 projets. Le coût global de ces investissements est estimé à 4 000 milliards de F CFA, dont 90 % seront financés par le privé. Deux tiers sont consacrés à l’augmentation de la production et le tiers restant à la modernisation du réseau de transport et de distribution (lire encadré).
Abidjan se dit désormais capable de faire face à une augmentation de ses besoins de 10% par an.
Ce plan prévoit une montée en puissance, dans le mix énergétique, de l’hydraulique, dont la part doit passer de 30 % à 45 % d’ici à 2020, auquel s’ajouteront 5 % d’autres sources renouvelables (essentiellement le solaire). Ce qui permettra de réduire la part du thermique à 50 % et, ainsi, d’alléger la facture de gaz. La puissance installée actuelle, qui est de 1 321 MW, doit être augmentée de plus de 80 % (1 100 MW supplémentaires) d’ici à 2018 et doublée d’ici à 2020.
Maillage chinois
Le pays affiche certes un faible taux d’électrification (33 %), mais présente surtout d’énormes disparités. Alors que les grandes villes et certaines régions – comme celle de Gagnoa, à l’Ouest -, sont bien couvertes, le taux d’électrification est d’à peine 3 % dans la région de Bouna, à l’Est. Pour rapidement étendre le réseau et mettre un terme à ces disparités, l’État vient d’engager un plan d’électrification portant sur 2 200 villages de moins de 500 habitants et a signé un contrat de 410 milliards de F CFA (625 millions d’euros) avec China National Electric Engineering Co. (Cneec) pour la construction de 1 000 km de lignes et l’électrification de 500 localités d’ici à 2015. Un projet qui va contribuer à la réalisation de la boucle est du pays, désenclaver la région de Bouna et renforcer l’alimentation de l’Ouest en doublant la ligne San Pedro-Man. Préparant l’arrivée des grands projets miniers. P.A.
En attendant, le pays est « en mesure de faire face à une augmentation des besoins de plus de 10 % par an, pour répondre à l’essor industriel et à l’électrification du pays », précise Toungara. Le secteur minier, en plein développement, sera l’un des plus gros consommateurs à satisfaire puisque, selon les projections, il exigera 500 MW à lui seul en 2020. La croissance de la demande des pays de la sous-région est également forte. La Côte d’Ivoire y exporte actuellement 17 % de sa production et, à ce rythme, devrait y exporter 350 MW dans cinq ans.
Au fur et à mesure de l’interconnexion de son réseau avec celui de ses voisins, le pays fournit de l’électricité au Ghana (depuis 1984), au Mali (1996), au Burkina Faso (2001) et, désormais, au Togo et au Bénin via l’établissement commun aux deux États, la Communauté électrique du Bénin (CEB). La construction de la ligne d’interconnexion avec les autres pays de la sous-région doit démarrer en 2013, pour une mise en service prévue en 2016. « Nous voulons devenir la tête de pont de la bourse de l’énergie dans la sous-région », conclut Toungara. Bourse qui permettra aux partenaires ouest-africains d’organiser, entre eux, la vente et l’achat de l’électricité.
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