Icare au Congo

Avec Africare, le metteur en scène belge Lorent Wanson présente une transposition audacieuse du célèbre mythe grec.

Publié le 9 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

A première vue, rien ne semblait relier le mythe d’Icare au continent africain. C’était compter sans l’ingéniosité du jeune metteur en scène belge Lorent Wanson. En transposant l’un des plus célèbres pans de la mythologie grecque au cur de la République démocratique du Congo, il livre, avec Africare, une uvre à la fois atypique et audacieuse. Créée à Kisangani le 17 juin dernier, cette pièce de théâtre a reçu un très bon accueil à Kinshasa, à Mons et à Paris. Elle sera présentée en septembre en Belgique, dans le cadre du festival Yambi !, avant d’être de nouveau interprétée devant le public congolais à l’automne.

L’aventure d’Africare commence en 2006, lorsque le producteur de Lorent Wanson lui donne carte blanche pour créer un spectacle populaire sur le Congo. Le metteur en scène arpente alors les dédales du « pays le plus meurtri de la planète ». À Kinshasa, Bukavu et Kisangani, il filme les confessions de ceux qui, d’ordinaire, n’ont pas la parole et auditionne des centaines d’acteurs. Son objectif : créer une pièce de théâtre à partir d’authentiques témoignages de Congolaises et de Congolais. « Sans prendre parti politiquement sur les événements, tient à préciser Lorent Wanson. La question de la vérité est bien trop subjective. Il s’agit juste de donner la parole à des gens qui ont un réel besoin de témoigner et de leur redonner une place dans l’histoire. »

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Ils ne sont que six sur scène. Mais chacun de ces ambassadeurs porte un « témoin » marqué par une tragédie. Une enfant accusée de sorcellerie. Un homme qui a survécu à la guerre des six jours à Kisangani. Des enfants-soldats démobilisés qui se rendent à l’évidence : « On est toujours du mauvais côté, de quelque côté que l’on soit. » Des prostituées, lucides : « Le maintien de la paix nous maintient en vie. » Ou encore ?cette femme qui porte l’enfant ?d’un viol et qui se demande : « Comment être innocente de cette chose en soi ? »
Africare ne sombre pas pour autant dans le pathos. Les témoins ne sont pas considérés comme des victimes mais comme des survivants qui ont encore le droit d’espérer. Tandis que leurs drames personnels ne représentent rien d’autre que des expériences, certes difficiles à traverser, mais qui les ont finalement rendus plus forts. Cela tient également au dynamisme de la mise en scène. La vidéo, presque omniprésente dans la pièce, laisse aussi parfois la place à des interludes musicaux réjouissants. Comme lorsque les acteurs entreprennent de danser « à la congolaise » sur du Bach. Entre chaque témoignage, des churs retentissent. En lingala, en tchiluba, en swahili Portée par ces chants, la salle se laisse envahir par l’émotion.

Entre chaque scène, un enfant cite quelques extraits du texte d’Ovide. Toujours ce même fil conducteur : Icare. « Au fil de la création, le mythe d’Icare s’est imposé de lui-même. Il regorge de questions, mais reste sans réponses », explique Lorent Wanson, avant d’admettre que le propos de son Africare dépasse les frontières de la RD Congo. « Finalement, le mythe d’Icare, le cadre labyrinthique, la nécessité de s’en sortir, la débrouillardise et la force, la prise de risques, le danger et la perte constituent une fable qui raconte assez bien l’absurdité tragique que traverse le continent. » À mots couverts, le metteur en scène fait référence à tous ces Icare en quête d’un avenir meilleur, qui cherchent à s’échapper de ce labyrinthe que peut parfois représenter l’Afrique. Qui prennent le chemin de l’émigration clandestine, au risque de connaître la même fin tragique que le fils de Dédale

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