Cacao : fini l’anarchie dans la filière ivoirienne

Le tout-libéral ayant fait long feu, la récolte des fèves est désormais régie par un système de prix minimum garanti. Les planteurs apparaissent déjà comme les grands gagnants de la réforme.

La très nette amélioration de la qualité des fèves est l’un des premiers effets observés à mi-parcours de la campagne en cours. © Nabil Zorkot

La très nette amélioration de la qualité des fèves est l’un des premiers effets observés à mi-parcours de la campagne en cours. © Nabil Zorkot

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Publié le 22 février 2013 Lecture : 3 minutes.

Le 3 octobre, une nouvelle page se tournait dans l’histoire longue et mouvementée du cacao ivoirien. En même temps que s’ouvrait officiellement la campagne 2012-2013 démarrait sur le terrain la réforme de la filière, annoncée depuis un an par le gouvernement. Douze ans après avoir été imposée au pays par les bailleurs de fonds, la libéralisation de la filière a donc fait long feu en Côte d’Ivoire. « Le système a été un échec. Chacun faisait ce qu’il voulait car il n’y avait plus de politique sectorielle digne de ce nom », explique Mamadou Bamba, planteur et directeur de la coopérative Ecookim. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont sifflé la fin de cette période, qualifiée d’« anarchique » par l’ensemble du secteur, en demandant aux pouvoirs publics de se réengager dans une filière qui contribue à hauteur de 15 % au PIB ivoirien, représente 40 % des recettes d’exportation et donne plus ou moins directement du travail à un cinquième de la population. « L’objectif de cette réforme est de répondre au double défi de la transparence et de la bonne gouvernance dans la gestion du secteur, tout en assurant une meilleure rémunération aux producteurs », précise Adama Touré, agroéconomiste à la Banque mondiale.

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Le secteur devait faire face au vieillissement des vergers et, donc, à la chute des rendements.

Troisième voie

Entre l’ancien système administré de la Caisse de stabilisation (Caistab) et le tout libéral, la Côte d’Ivoire tente de développer une troisième voie intermédiaire. Contrairement à celui du Ghana voisin, l’État ivoirien n’achète pas la production pour la commercialiser, mais a mis en place, depuis janvier, un système de vente anticipée par enchères portant sur 70 % des volumes en cours de récolte (1,3 million de tonnes attendues). Il est ouvert à une cinquantaine d’acheteurs locaux et internationaux, qui chaque jour s’engagent sur des tonnages et un prix à l’export dont la moyenne sert de base au calcul du tarif minimum garanti versé au planteur. Annoncé la veille de la campagne, celui-ci a été fixé à 725 F CFA le kilo de fèves (ou 1 105 euros la tonne), soit entre 50 % et 60 % du prix CAF (coût, assurance, fret), comme s’y était engagé Alassane Ouattara. À mi-campagne, le système semble avoir fait ses preuves, puisque le Conseil café-cacao (CCC), nouvel organisme unique et paritaire de gestion de la filière, vient de constater dans une note interne « le respect des prix versés aux planteurs dans les zones de production ».
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Disposant dorénavant d’un revenu régulier qui leur donne un peu de visibilité, ces derniers apparaissent déjà comme les grands bénéficiaires de la réforme. « Ils vont enfin pouvoir investir dans la qualité de leur production en réhabilitant les plantations », estime un négociant.

Une bonne nouvelle pour le secteur, confronté au vieillissement de son verger et donc à la chute des rendements, « trois fois inférieurs aujourd’hui à ceux de l’Indonésie », selon la Banque mondiale. Et le CCC observe déjà « une très nette amélioration de la qualité des fèves ». Le gouvernement est donc en passe de gagner son pari, en assainissant une filière ivoirienne qui représente 35 % du marché mondial.

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Les broyeurs déprimés ?

Premier producteur mondial devant le Ghana et l’Indonésie, la Côte d’Ivoire est aussi le principal broyeur de cacao, devant les Pays-Bas, depuis 2010. Elle transforme chaque année quelque 530 000 tonnes de fèves, soit un bon tiers de sa production. Une part que le gouvernement souhaiterait faire passer à 50 % d’ici à 2015. Il vient pourtant de prendre coup sur coup deux décisions susceptibles de freiner cette dynamique. Après avoir supprimé, en septembre, l’allègement fiscal des broyeurs, qui était en vigueur depuis vingt ans, il a mis en place, en novembre, une taxe de 14,6 % sur les exportations de produits semi-finis, jusqu’alors exonérées de charges. « Les pouvoirs publics sont en train d’abolir toutes les incitations existantes pour la transformation », a regretté Jos de Loor, directeur général de Cargill. Le géant américain n’a pas tardé à réagir en annonçant le gel de ses projets d’extension en Côte d’Ivoire pour se tourner vers l’Indonésie, où il inaugurera une usine de broyage début 2014.

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