Éloge de la mondialisation

Publié le 9 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Merci aux Québécois, aux Libanais, aux Mauriciens et à tous les Africains, grâce auxquels la langue française ne se porte pas aussi mal qu’on le dit. C’est la conclusion qui se dégage du vaste tour d’horizon de la francophonie auquel s’est attelé Yves Montenay dans cet ouvrage rassérénant. Retraçant l’histoire mouvementée du français, l’auteur dresse un inventaire très détaillé de sa situation actuelle, pays par pays, avant d’explorer les grands champs de bataille où elle est engagée, notamment les entreprises et l’Afrique, continent où la langue de Molière compte aujourd’hui ses plus gros bataillons, mais affronte aussi les plus grandes difficultés.
Dans les paragraphes qui suivent, on découvre comment, dans deux domaines, la culture populaire et internet, la mondialisation, plutôt que de nuire au français, favorise son expansion.

Aujourd’hui, c’est la culture populaire plus que celle de l’élite qui enracine un peuple dans sa langue, surtout si cette langue est nouvelle comme en Afrique. Avec la mondialisation, journaux, films, chansons, émissions de radio et de télévision se diffusent dans tout l’espace francophone. Même les livres, souvent considérés comme délaissés, circulent. Au Sud, le marché de l’occasion déborde de romans « à l’eau de rose » formatés et parfois africanisés, mais aussi de San Antonio : Frédéric Dard se disait très touché de savoir que ses livres, vendus et revendus dans les marchés africains, « faisaient rire des chaînes de pauvres gens ».
Certes, l’anglais bénéficie encore plus de cette mondialisation que le français, car il s’appuie sur la masse humaine et économique des anglophones, notamment américains. Mais quand on pense à la production du Québec dans le domaine de la chanson (Gilles Vigneault, Félix Leclerc, Robert Charlebois…), des films, on peut imaginer ce que serait la production francophone si le Sénégal, le Mali et les autres avaient les moyens tant de médiatiser que de consommer de la culture populaire. L’on en a d’ailleurs quelques indications quand on voit leurs contributions actuelles, lorsqu’ils arrivent à grapiller l’argent du Nord, qu’il soit privé (producteurs, auditeurs) ou public. Ou lorsqu’ils arrivent à lancer des feuilletons à succès à 3 000 euros l’épisode tel Kadi jolie, joyeuse sit-com tournée à Ouagadougou (Burkina), qui a le mérite de contribuer à implanter le français en milieu populaire. […]
Un des symboles de la mondialisation, Internet, est souvent considéré comme un vecteur de l’anglais, voire comme une obligation de l’utiliser.
C’est une erreur d’optique. Cette idée d’un Internet anglophone par nature vient probablement de ce que, ayant été créé aux Etats-Unis, il était donc à l’origine entièrement en anglais. Au fur et à mesure que le reste du monde l’adopte, la proportion d’anglais diminue et est passée en dessous des 50 % vers 2002. D’ailleurs la Corée du Sud, pourtant minuscule par rapport aux Etats-Unis, a eu très vite une place importante sur Internet, bien que très peu de gens lisent le coréen hors de ce pays, tout simplement parce qu’elle a commencé plus tôt que de « plus grands pays » (bravo !). […]
Pour ce qui concerne le français, l’Internet francophone est si vaste que l’on peut y passer sa vie sans en avoir fait le tour. Seuls quelques spécialistes (chercheurs, ingénieurs…) ont parfois besoin vraiment des sites anglais pour la consultation de certains textes originaux « pointus ». La traduction automatique de pages Internet fait des progrès très rapides et, bien qu’encore imparfaite, permet d’éviter le gros du travail de consultation en langue étrangère, tandis que les fournisseurs de données, même anglophones, les donnent en toutes les langues pour ne pas perdre un seul client : fin juillet 2004, l’américain Google était consultable en 104 langues, les 3 dernières étant l’arménien, le laotien et le sindhi.
Reste que certains snobs ont fait leurs « sites » en anglais, pour laisser entendre qu’ils étaient « modernes », mais ce snobisme disparaît avec la banalisation de l’usage de la Toile. Le : « J’utilise de plus en plus l’anglais : Internet, vous comprenez… » paraît maintenant aussi stupide que de dire « J’ai le téléphone, donc je parle anglais »…
[…] Internet n’est qu’un outil. Il peut être aussi bien un ennemi qu’un allié des cultures et visions du monde les plus variées. Il y a des sites et des forums très actifs en arabe chez les islamistes, et d’autres, en français, qui les concurrencent au Maghreb, en offrant des alternatives au « tout religieux », que ce soit l’entraide à la formation ménagère ou professionnelle ou un marivaudage planétaire pour « décrocher » un visa pour l’Occident.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires