Boumedienne forme son premier gouvernement

Publié le 9 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Alger, 10 juillet 1965. Vingt-deux jours après le renversement du président Ahmed Ben Bella, la liste des membres du nouveau gouvernement algérien est rendue publique. Sans surprise, le colonel Houari Boumedienne concentre entre ses mains les portefeuilles les plus sensibles. Président du conseil de la Révolution, une instance collégiale formée cinq jours auparavant, il est aussi président du Conseil des ministres, chef du gouvernement et ministre de la Défense.
Autour de lui, une poignée de féaux et de compagnons d’armes constituent l’ossature de l’exécutif. Fidèle parmi les fidèles, Abdelaziz Bouteflika conserve le ministère des Affaires étrangères, tandis qu’Ahmed Medeghri prend l’Intérieur et Kaïd Ahmed les Finances. Rabat Bitat, l’un des chefs historiques du Front de libération nationale (FLN), devient pour sa part ministre d’État, Ahmed Bédjaoui garde des Sceaux et Bélaid Abdeslam ministre de l’Industrie et de l’Énergie.

Au total, neuf membres de l’ancienne équipe sont reconduits, huit nouveaux font leur apparition. Parmi eux, l’une des figures de la gauche du FLN, Abdelaziz Zerdani, qui hérite du ministère du Travail et des Affaires sociales. Membre de la puissante Association des oulémas, Larbi Saadouni se voit confier le ministère des Habous, alors que Chérif Belkacem, l’un des barons du groupe Boumedienne et grand artisan du coup d’État, prend la tête du FLN pour mieux asseoir le contrôle de l’armée.
L’arrivée de la nouvelle équipe marque-t-elle la fin de l’ère Ben Bella ? Non, en dépit des apparences, il n’y a pas de vraie rupture. Certes, l’armée consolide sa présence au sein du pouvoir politique, mais elle continue de gouverner avec les mêmes hommes, à l’exception, bien sûr, de Ben Bella. Cet expert en manuvres politiques, ce dirigeant révolutionnaire rompu aux jeux du pouvoir, cet « historique », qui a été porté au pouvoir sur un char de l’armée a-t-il été victime d’un coup d’État organisé par des militaires ?
Élu président le 15 septembre 1963, Ben Bella avait tenté de s’affranchir progressivement de la tutelle de l’état-major. À la tête du FLN, le parti unique, il décidait de tout. La « guerre des sables » qui, cette même année, opposa l’Algérie au Maroc La répression par l’armée de la rébellion kabyle dirigée par le Front des forces socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed L’allégeance prêtée par Ben Bella à Gamal Abdel Nasser, le raïs égyptien Tout cela inquiète et agace les militaires. Deux ou trois gestes de défiance de Ben Bella à l’adresse de Boumedienne, son ministre de la Défense, vont contribuer à précipiter sa chute.
En mai 1965, Ben Bella contraint à la démission deux de ses adversaires politiques : Ahmed Medeghri et Kaïd Ahmed, respectivement ministres de l’Intérieur et du Tourisme. Quelques jours plus tard, il convoque Bouteflika, le chef de sa diplomatie, et lui lance d’un ton menaçant : « Cette situation ne peut plus durer. Je crois que dans l’intérêt du pays, de nos rapports personnels et de l’avenir de la nation, tu ferais bien de démissionner. En tout cas, je te demande de réfléchir à tout cela. »

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Boumedienne prend la mesure du danger. S’il laisse faire, Ben Bella va forcément tenter de rogner ses prérogatives et de neutraliser ses soutiens avant de l’évincer. Le « clan d’Oujda », nom donné pendant la guerre de libération aux membres de l’état-major rassemblés dans la ville marocaine autour de Boumedienne, décide de passer à l’action.
Le samedi 19 juin 1965, Ben Bella est renversé, puis placé en détention dans un lieu tenu secret. Le 5 juillet, le nouveau pouvoir annonce la création d’un conseil de la Révolution. Cinq jours plus tard, le gouvernement de Houari Boumedienne siège pour la première fois.

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