La haine est vouée à l’échec !

Publié le 9 avril 2006 Lecture : 3 minutes.

La propagande liée au « choc des civilisations » et l’ambition d’hégémonie de la première puissance mondiale créent une situation d’islamophobie. Cette dérive a abouti à l’agression de l’Irak, à l’aggravation du drame du peuple palestinien et à l’impasse du partenariat entre les deux rives de la Méditerranée. La politique du « deux poids deux mesures » a exacerbé le ressentiment des musulmans, désignés comme les nouveaux ennemis. Mais les autres peuples, pas même le peuple israélien, n’ont rien à y gagner.
Les mouvements qui usurpent le nom de l’islam et exploitent le religieux dans le champ politique sont dopés par cette situation. Les réactions terroristes, traumatisantes, les actions des Palestiniens poussés au suicide par la répression brutale et par l’absence de perspectives, les prises d’otages, mais aussi les pratiques crispées de la religion, tout cela nuit aux musulmans. Les injustices d’un côté, les réactions irrationnelles de l’autre, ont mis en scène une tragédie planétaire de la haine.

Dans ce contexte de terrorisme des puissants et des faibles, les efforts de paix semblent vains. Les tenants de la haine, pourtant minoritaires, ont emporté une bataille, mais ils n’ont pas encore anéanti l’avenir. Les extrémistes de tous bords sont plus influents que les êtres de paix.
L’ignorance est la première cause de la haine. L’éducation délaisse le socle commun et l’on voit se restreindre l’étude de la culture de l’autre. Alors que l’Occident classique a été judéo-islamo-chrétien et gréco-arabe, on fait croire qu’il n’a été que gréco-romain et judéo-chrétien. Les fils d’Abraham tombent parfois dans le piège de la confrontation. Du côté européen, les études sur l’islam sont envisagées sous l’angle sécuritaire : ce regard réducteur favorise l’amalgame et le dénigrement. Du côté des musulmans, on déplore la faiblesse de la théologie critique. On n’entend que le discours apologétique de prédicateurs sectaires, ou le discours des intellectuels de la dilution, autoproclamés « nouveaux réformateurs », qui proposent d’appliquer au Coran les recettes du positivisme.

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La majorité des musulmans, heureusement, vit sa foi paisiblement, refusant les hurlements des loups qui appellent à l’intolérance, mais aussi le chant des sirènes de la dépersonnalisation. Croyants et non-croyants sont pris dans le même mouvement. Nos aïeux n’ont vu venir ni le temps de la colonisation ni le fascisme. Notre devoir est de tenter de percevoir ce qui risque d’advenir malgré toutes les incompréhensions. Les musulmans tentent de résister aux injustices et, sur le plan fondamental, à la remise en cause des fondements de l’humanité telle qu’elle existait depuis Abraham. Aux yeux de certains, cette résistance est une dissidence. Ceux-là stigmatisent le « Sarrazin », parce qu’il résiste à la modernité et s’oppose aux injustices. Il ne s’agit pourtant pas de nostalgie de la tradition. C’est le sens de l’humanité elle-même qui est en jeu. La séparation du religieux et du politique est un acquis vital : contrairement à ce qui est colporté, l’islam ne confond pas ces deux niveaux. Mais, la haine du spirituel qui habite les uns, et la peur d’une liberté soupçonnée de n’être que permissivité, qui obsède les autres, accélèrent la déshumanisation. Le retour du religieux est le reflet de la rupture entre la morale et la vie, entre la responsabilité et la liberté.
Sur le plan politique, malgré les progrès de la science et les avancées des droits de l’homme, les peuples s’aperçoivent que la marchandisation du monde réduit leur capacité à décider de leur avenir. De ce fait, la capacité de penser autrement est remise en cause. Pour faire diversion, on veut faire croire que la croyance en général, et l’islam en particulier, n’est qu’obscurantisme et aliénation, que le scientisme et l’athéisme seraient seuls libérateurs. Par réaction, certains croyants s’enferment dans la pratique intolérante. Toutes les haines sont vouées à l’échec.

Philosophe, auteur de L’Islam tolérant ou intolérant ? (éd. O. Jacob).

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