Ces morts de faim qu’on cache

Publié le 9 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

Les journalistes étrangers ne sont plus autorisés à se rendre au Niger pour couvrir la crise alimentaire. C’est ce qu’Aboubacar Fogué, le secrétaire général du ministère de la Communication, a fait savoir le 4 avril à l’Agence France presse (AFP). La décision, qui n’a été officialisée par aucun décret, a été prise à la demande du président Mamadou Tandja et confirme la volonté des autorités nigériennes d’occulter autant que possible la réalité. En août 2005, au plus fort de la crise, le chef de l’État avait estimé que celle-ci n’était « pas dramatique », alors que 3,5 millions de personnes étaient directement menacées. La méthode est pour le moins maladroite : en déclarant le sujet tabou, on lui donne forcément un grand retentissement
Les autorités nigériennes sont excédées par l’image que les médias internationaux donnent de leur pays depuis le mois de mai 2005. Elles ont notamment très mal réagi à un reportage de la BBC diffusé le 18 juillet dans lequel défilaient les images d’enfants faméliques. Le 28 mars dernier, l’ONU a lancé un appel à la communauté internationale pour financer l’achat de produits alimentaires à l’intention de quatre États du Sahel, dont le Niger. Au même moment, une équipe de la BBC réalisait un reportage sur la malnutrition dans la région de Maradi, alors que son accréditation concernait deux autres sujets : la grippe aviaire et le travail des ONG. Piqué au vif, le gouvernement a aussitôt décidé de tenir tous les médias à l’écart. « Nous n’avons pas besoin de journalistes qui travaillent sur le sujet, commente Fogué, joint par téléphone. S’ils veulent le traiter, ils n’ont qu’à aller ailleurs. On donne l’impression que, depuis 2005, le gouvernement ne fait rien. C’est inexact, il a pris des dispositions, mais personne n’en parle. »
À en croire les autorités, la diffusion d’images pathétiques n’a aucun effet sur le soutien international. « L’année dernière, nous n’avons reçu qu’une très faible partie de l’aide annoncée », regrette le secrétaire général. Certes, les dons n’ont pas été à la hauteur des espérances, mais, à partir de juillet 2005, 66 000 tonnes de céréales ont quand même été acheminées au Niger.
Selon Mohamed Ben Omar, le porte-parole du gouvernement, l’interdiction devrait être levée quand le bilan officiel de la campagne agricole 2005-2006 aura été tiré, dans quelques jours en principe. Tout reportage larmoyant réalisé d’ici là aurait pour seul effet de relancer la spéculation sur les céréales.
Le 6 avril, Robert Ménard, le secrétaire général de Reporters sans frontières, n’en a pas moins écrit au ministre de la Communication. Pour demander à son gouvernement de « revenir sur cette décision qui jette le discrédit sur le Niger ».

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