Bouteflika président

Publié le 9 avril 2006 Lecture : 3 minutes.

En ce jeudi 15 avril 1999, Abdelaziz Bouteflika est un homme heureux. Écarté du pouvoir en 1978 après la mort de Houari Boumedienne, il a été contraint à une interminable traversée du désert : vingt ans ! En 1994, il a été aux portes de la magistrature suprême, mais y a finalement renoncé, à la dernière minute. Cette fois, il tient sa revanche. Et qu’importe si sa victoire est entachée par le retrait, la veille du scrutin, de tous ses concurrents, furieux du soutien un peu trop ostensible que l’armée et l’administration lui ont apporté pendant la campagne. En ce jeudi 15 avril, donc, tandis que les services du ministère de l’Intérieur collectent les derniers résultats, Bouteflika sait qu’il va être élu pour cinq ans président de la République algérienne démocratique et populaire. Épilogue presque inattendu d’un parcours politique en dents de scie.
Né en 1937 à Oujda, au Maroc, Bouteflika rejoint les rangs de l’Armée de libération nationale (ALN) en 1956. Un an après l’indépendance, il est nommé ministre de la Jeunesse et des Sports, mais l’assassinat de Mohamed Khmisti, le jeune ministre des Affaires étrangères, va changer son destin. À 26 ans à peine, « Boutef » devient le chef de la diplomatie algérienne, poste qu’il occupera jusqu’à la mort de Boumedienne, en décembre 1978. Successeur naturel du raïs, il est pourtant écarté par les militaires, qui lui préfèrent l’un des leurs, le colonel Chadli Bendjedid. Dépité, il quitte l’Algérie et partage son temps entre Paris, Genève et Dubaï.
En 1994, ceux qui lui ont barré la route du pouvoir le sollicitent pour prendre la tête de l’État. Entre-temps, l’Algérie a plongé dans une atroce guerre civile… Bouteflika accepte, mais pose ses conditions : il refuse d’être une potiche. Le jour même de son intronisation, il renonce et, à midi, s’envole pour Genève. Bien sûr, certains lui tiennent rigueur de cette désertion dont il ne s’expliquera que quelques années plus tard : « Je voulais être en effet le candidat de l’armée, uniquement de l’armée, confie-t-il à la journaliste Élisabeth Chemla (Mon Journal d’Algérie, Flammarion, 2000). Je ne voulais pas avoir de fil à la patte, ni avec la société civile ni avec la mouvance islamiste. En tant que candidat de l’armée, je me présentais en réconciliateur. »
Usé par les intrigues du sérail, le président Liamine Zéroual jette l’éponge en septembre 1998 et annonce la tenue d’une élection présidentielle anticipée le 15 avril suivant. Adoubé par l’état-major de l’armée, Bouteflika se porte candidat. Son programme se résume en un mot : la paix. Il sillonne le pays, anime des meetings, multiplie les interviews et promet des réformes dans tous les secteurs. Habile tribun, il séduit les Algériens avec son bagout, sa faconde et son franc-parler. Fin manuvrier, il s’assure le soutien de l’administration, des partis, de l’UGTA, la puissante centrale syndicale, des artistes et des hommes d’affaires. Il ne lui en faut pas davantage pour devenir le « candidat du consensus ».

Face à lui, sept challengeurs : le socialiste Hocine Ait Ahmed ; les anciens Premiers ministres Sid Ahmed Ghozali, Mouloud Hamrouche et Mokdad Sifi ; l’islamo-conservateur Ahmed Taleb Ibrahimi ; Youcef Khatib, l’ancien chef de la wilaya IV pendant la guerre de libération ; et l’islamiste Abdallah Djaballah. La campagne électorale est âpre, tendue, fertile en rebondissements. Mercredi 14 avril, coup de théâtre : l’ensemble des candidats se retirent de la compétition et dénoncent une fraude massive en faveur de Bouteflika. Que va faire ce dernier ? À ceux qui lui proposent de se retirer afin de sauver la consultation de la débâcle, il répond sèchement : « Les autres sont libres de se retirer, moi, je reste. »
Vendredi 16 avril, les résultats tombent. Sur un total de 17,5 millions d’inscrits, 10,5 millions d’électeurs se sont officiellement exprimés, soit un taux de participation de 60,25 %. Bouteflika récolte 7,5 millions de voix (78,8 %). À l’opposition qui dénonce une élection truquée, il oppose une métaphore hippique : « Il y avait sept chevaux au départ. Six d’entre eux s’étant retirés, le dernier resté en lice est arrivé premier. »

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