Pour le Sénégal d’en bas

Publié le 9 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Au cours de la campagne pour l’élection présidentielle de février et mars 2000, l’opposant Abdoulaye Wade, candidat du Parti démocratique du Sénégal (PDS), s’était imposé comme le porte-voix des sans-emploi. À l’époque, la pauvreté touchait deux Sénégalais sur trois, le taux de chômage concernait 40 % à 50 % de la population et le mécontentement populaire était latent. Resté dans les annales, son slogan « Que tous ceux qui n’ont pas d’emploi lèvent la main » a servi à rallier les masses en lutte contre la misère.

En juillet 2000, quatre mois après l’alternance historique et son arrivée au pouvoir, le chantre du Sopi (changement en wolof) met sur pied l’Agence de promotion des investissements et des grands travaux (Apix) pour susciter des emplois, favoriser la mise en oeuvre de grands projets et encourager les initiatives du secteur privé. Au terme de quatre années de fonctionnement, l’Agence présente un bilan certes flatteur. Grâce à une politique médiatique basée sur les atouts du pays, l’Apix travaille avec les investisseurs étrangers qui se bousculent aux portes de Dakar. Une tendance confirmée d’ailleurs par l’Agence des Nations unies pour le développement industriel (Onudi), qui estime que « le Sénégal propose un environnement des affaires plus favorable que les autres pays africains ». Concrètement, l’État appuie le développement du secteur privé en assouplissant le cadre juridique, en exonérant certaines entreprises de droits de douane, en menant une politique d’incitation fiscale, en favorisant un libre transfert des fonds et des profits, etc. Résultat : le montant des investissements directs étrangers (IDE) a atteint 78 millions de dollars en 2003. Et ils concernent des secteurs très divers comme l’énergie, l’hydraulique, l’alimentation, le tourisme, le transport et bien d’autres activités économiques. Au total, entre 2000 et 2003, l’Apix a enregistré des projets de création d’entreprises qui – formellement – devraient se traduire par la création de 38 000 emplois. Ce remarquable intérêt des investisseurs privés est également lié aux appels d’offres lancés par le gouvernement pour la réalisation de grands travaux d’infrastructures comme la construction d’un nouvel aéroport, d’une autoroute à péage et d’un centre d’affaires international, etc. En outre, l’accord de paix signé le 30 décembre entre les autorités et la rébellion casamançaise incitent à l’optimisme et poussent à faire un détour au pays de la Teranga. Et pourtant !
À Dakar comme dans les villes de l’intérieur, les indicateurs sociaux ne reflètent pas encore cette relative « embellie économique ». Les Sénégalais s’impatientent. L’harmonisation fiscale induite par la mise en place du marché commun de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) a provoqué une brusque montée des prix des produits de première nécessité. Depuis la publication du rapport du Programme des Nations unies pour le développement, qui indiquait en 2002 que « plus de 65 % des habitants vivaient sous le seuil de pauvreté », la situation n’a pas réellement évolué : débrouille et chômage restent le lot quotidien de nombre de Sénégalais. Malgré l’affluence des opérateurs étrangers, la pauvreté s’étale dans les rues. Les mendiants, mi-charmeurs, mi-arnaqueurs, harcèlent l’étranger de passage, et tout particulièrement le toubab. Le moral des ménages n’est pas au plus haut, car se loger, s’habiller, se soigner et se nourrir reste un luxe pour le Sénégalais d’en bas, celui qui vit à Dakar Yoff, à Grand Dakar ou à la Médina. Dans son quotidien, la population ne perçoit pas encore l’impact de ce regain d’activité, ni des emplois induits. Sur les deux millions de personnes qui vivent dans la capitale, le taux de chômage, selon la définition qu’on lui donne, varie entre 12 % et 19 %.

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Certes, une entreprise comme PCCI (Premium Contact Center International), spécialisée dans la gestion de centres d’appels, a généré 1 400 emplois depuis son installation à Dakar en 2002 et s’impose comme l’un des premiers employeurs privés du pays. Mais, globalement, l’offre demeure en deçà de la demande. Alors que le Sénégal d’en bas en attend plus. Beaucoup plus.

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