Les pantalons d’Amersfoort

Publié le 8 octobre 2006 Lecture : 2 minutes.

Voici une histoire qui a l’air incroyable, mais qui est tout à fait authentique. Il s’agit d’un adolescent qui se fait expulser du collège où il fait ses études. Jusque-là, rien de particulier. Mais la raison pour laquelle on lui demande de ramasser ses affaires est, elle, assez extraordinaire : on lui reproche le fait que sa sur se promène dans les rues en pantalon (au lieu de porter une jupe) et qu’il lui arrive (à la sur) de regarder la télévision.
Arrivé à ce point de l’histoire, je vous entends grommeler :
– Encore une histoire qui se passe en Afghanistan ou en Arabie saoudite, ces gens-là sont traditionalistes, voire arriérés. On le sait. Faut-il à chaque fois leur taper dessus ?
Eh bien, pas du tout. Cette histoire se passe aux Pays-Bas.
– Ah bon, dites-vous. C’est quand même un collège islamiste ou au moins loubavitch ?
Pas du tout (bis) : il s’agit d’un collège chrétien de haut niveau, le Reformatorisch College. Et ça ne se passe pas dans un petit village peuplé de schtroumpfs mais dans une grande ville, Amersfoort, où naquit jadis Piet Mondrian, le grand peintre de la modernité. Mondrian était peut-être moderne, mais le Reformatorisch College ne l’est pas du tout. Dans cet établissement, ce sont les normes du calvinisme le plus strict qui prévalent. Il faut préciser qu’en Hollande l’enseignement n’est pas laïc, il est en majorité confessionnel. Eh oui, en plein cur de l’Europe, en plein XXIe siècle.
Donc, ces messieurs du Reformatorisch College s’offusquent de voir une jeune fille porter pantalon et regarder la télé, instrument du Diable. Ils expulsent donc son frère. Comme disait La Fontaine : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère. » C’est d’autant plus curieux que dans la Bible (Genèse, IV, 9), lorsque Dieu demande à Caïn :
– Eh, t’as pas vu Abel ?
Caïn lui répond :
– Suis-je le gardien de mon frère ?
Ce qui signifie que chacun est responsable de ses actes et non de ceux des autres.
Revenons sur Terre, à Amersfoort. Le déguerpi ulcéré n’entend pas en rester là, il attaque son collège devant la justice.
– Ah, dites-vous, la justice va passer, tout va s’arranger.
Que non point. Le juge donne raison au collège, attendu que ses motivations sont d’ordre religieux et que cela est protégé par la liberté de culte. Le débouté, dégoûté, se pourvoit en cassation. Sa sur, elle, continue de se balader en pantalon et de mater les images au grand scandale des âmes pieuses d’Amersfoort.
Cette histoire est intéressante parce qu’elle crée un précédent. Il y a de plus en plus d’écoles et de collèges islamiques au Pays-Bas et on vient même d’inaugurer une université islamique à Rotterdam. Tous ces établissements sont libres d’édicter le règlement intérieur qui leur convient. S’ils décident par exemple que tous les frères et les neveux de leurs élèves doivent porter un burnous dans les rues, qui peut désormais le leur interdire ? L’affaire des pantalons d’Amersfoort vient d’établir une jurisprudence très claire.
En tout cas, si quelqu’un de votre famille veut s’inscrire dans un collège aux Pays-Bas, je vous recommande d’étudier avec soin le règlement intérieur. Sinon, vous risquez de vous retrouver en jupe, en boubou ou en burqa sans avoir rien demandé

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