Charles Murigande

Ministre des Affaires étrangères du Rwanda

Publié le 8 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

Fin octobre, une délégation de diplomates et militaires français doit se rendre au Rwanda, annonce Charles Murigande, le ministre rwandais des Affaires étrangères. Il s’agit, en clair, de faire le point des relations entre Kigali et Paris et de mettre sur pied une coopération militaire et économique. Les rapports entre les deux pays, empoisonnés par la question du génocide de 1994, se réchaufferaient-ils ? Déjà, en 2005, la France avait soutenu la candidature du Rwandais Donald Kaberuka à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD). Et, le 25 septembre, quand Murigande fait une halte au siège de Jeune Afrique, c’est pour rallier Bucarest, où il doit participer, les 28 et 29 septembre, au onzième sommet de la Francophonie. Encore un signe ?

« Le Rwanda participe à toutes les réunions de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), tempère le diplomate. Mais, à chaque fois, les gens s’étonnent de notre présence. C’est comme s’ils ne voulaient pas nous voir. » Avec le calme qui le caractérise et un art de l’esquive parfaitement maîtrisé, Murigande rappelle que son pays ne fait que remplir son rôle de membre de l’OIF, ce qu’il est depuis 1970.
Ministre des Affaires étrangères depuis le 15 novembre 2003, ce docteur en mathématiques s’applique à dépolitiser le sujet : « La Francophonie est une famille à laquelle nous appartenons, et il faut faire de notre venue à Bucarest la même interprétation que pour le Burkina ou Haïti », précise-t-il. Certes, mais comme en témoigne le président Paul Kagamé, non francophone, le Rwanda semble préférer Shakespeare à Molière. « C’est une idée que les gens se sont faite, se désole-t-il. Depuis 1994, le nombre d’enfants scolarisés a été multiplié par deux dans le primaire et par sept dans le secondaire. Et chacun a la possibilité d’apprendre les deux langues. »
Le Rwanda rétablira-t-il un jour ses relations avec un autre francophone, beaucoup plus proche celui-là, en voie de normalisation politique ? « Chaque année, je fais voter un budget pour notre ambassade à Kinshasa », rappelle l’ancien secrétaire général du Front patriotique rwandais (FPR) et ex-conseiller à la présidence. Mais les deux pays n’ont toujours pas franchi le pas d’ouvrir une ambassade. Ce sera peut-être pour le début de l’année prochaine, espère Murigande, une fois le président congolais élu.
La stabilité de la RD Congo, que le chef de la diplomatie rwandaise estime « bien partie », aura des conséquences économiques importantes, notamment en matière d’énergie. Difficile, toutefois, d’imaginer une coopération avant le règlement des dossiers politiques, à commencer par celui de la présence en RD Congo d’anciens miliciens des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) soupçonnés de génocide. Pour Charles Murigande, « ces deux questions peuvent être réglées de façon concomitante ».
C’est dans un langage tout aussi diplomatique qu’il évoque les rapports entre Kigali et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), à Arusha (Tanzanie). « Les relations avec Arusha sont normales. Elles pourraient être meilleures, mais elles pourraient aussi être pires », explique-t-il. En clair : le TPIR fait des efforts pour entendre les doléances de Kigali – qui lui reproche notamment d’employer d’anciens miliciens soupçonnés de génocide -, mais il devrait en faire plus. Apparemment las que la communauté internationale ne considère son pays qu’à l’aune du génocide, Murigande rappelle qu’aujourd’hui « les enfants hutus et tutsis vont dans les mêmes écoles et dorment dans les mêmes dortoirs », et que « le Rwanda est parfaitement sécurisé ».

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Une réalité qu’il aimerait voir dans les nombreux films qu’inspire le Rwanda (une adaptation des mémoires du général canadien Roméo Dallaire, à la tête du contingent de l’ONU à Kigali pendant les massacres, doit être présentée au prochain Festival de Cannes, en mai 2007). « C’est parce que le Rwanda a changé que des réalisateurs peuvent venir tourner ces films », souligne-t-il.

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